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Molière, François Hollande et la croissance perdue
mercredi, 30 mai 2012 / Alain Grandjean /

Cofondateur et associé de Carbone 4, membre du comité stratégique de la Fondation Nicolas Hulot.

Alain Grandjean invoque le Malade imaginaire et Candide pour revisiter le match qui se joue entre partisans et opposants à l’austérité. Et pour appeler à une troisième voie.

On peut se féliciter que François Hollande ait osé se démarquer des remèdes de nos bons Diafoirus et Purgon, [1] qui administrent lavements et saignées aux économies européennes et l’affaiblissent pour la guérir.

Pour autant il faut bien ouvrir les yeux aux réalités que montre ce beau graphique :

La tendance historique de la croissance du PIB français par habitant est à… la décroissance.

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir », aurait dit Tartuffe. Il y a quelque chose de dérangeant dans cette réalité toute nue. Et pour continuer les références littéraires, il y a donc du Pangloss dans l’invocation de la croissance.

Nous sommes finalement face à une contradiction : les docteurs de l’austérité ont raison de nous avertir que nous sommes entrés dans une période de purge ; les optimistes ont raison de ne pas croire à leur médecin. Comment en sortir ?

Les économistes doivent remiser au musée leurs remèdes

Globalement, les choses me semblent pourtant simples : notre modèle économique qui repose sur la croissance indéfinie de la consommation de ressources matérielles se heurte à la finitude de la planète. 1-0 en faveur de Diafoirus et Purgon, contre Pangloss. En même temps, l’austérité ravageuse imposée par nos bons docteurs est un désastre social ET environnemental : elle ôte tout moyen d’investir pour sortir de ce modèle dévastateur. 1-1, balle au centre.

Pouvons-nous, tel Candide, souhaiter non pas un appel un brin surréaliste à la croissance mais la mise en œuvre, au pas de charge, d’un programme d’investissements qui permettent de réduire notre dépendance énergétique et plus généralement notre dépendance aux ressources naturelles (renouvelables ou pas) dont le stock décroît ? Est-il si difficile de comprendre que ce projet pourrait à la fois donner du travail et résoudre – au moins en partie, l’économie n’est pas de la magie – la contradiction dans laquelle nous sommes ?

Est-il osé de demander à nos politiques et à nos économistes de remiser au musée leurs remèdes, qu’il s’agisse de l’incantation à la croissance ou au contraire du recours à l’austérité, c’est-à-dire in fine au sacrifice ?

L’économie pourra-t-elle, enfin, se séparer de ces prêts-à-penser dogmatiques et pour tout dire religieux ? Tel me semble être au fond le défi que doit relever la nouvelle équipe au pouvoir.


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