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Mais qui est donc Nicole Bricq, la nouvelle-ex madame Ecologie du gouvernement ?
lundi, 28 mai 2012 / Cécile Cazenave

La nouvelle ministre de l’Ecologie est peu connue des Français. Sénatrice socialiste depuis 2004 et fiscaliste, elle est décrite comme pugnace et rigoureuse. Ses partisans soulignent sa maîtrise des dossiers, elle qui a été la première à déposer un texte de loi contre les gaz de schiste.

Ce portrait a été réalisé avant le remplacement de Nicole Bricq par Delphine Batho à la tête du ministère de l’écologie.

« Je travaille d’abord, je parle ensuite. J’ai une certaine image de sérieux et je ne compte pas en changer. » Les premiers mots de Nicole Bricq à la presse, la semaine passée, furent en forme d’avertissement calme. Pour sa première sortie publique, une semaine à peine après sa nomination, la nouvelle ministre de l’Ecologie a choisi le Sénat. Attendue en clôture d’un séminaire des collectivités locales sur Rio+20, sa longue et presque frêle silhouette s’est frayée d’un pas sûr un passage dans la salle Monnerville, comble, au sous-sol d’une annexe du Palais du Luxembourg.

Sénatrice de la Seine-et-Marne depuis 2004, elle y est chez elle. Les sénateurs du Nord Michel Delebarre (Parti socialiste) et de Loire-Atlantique Ronan Dantec (Europe Ecologie - Les Verts) l’embrassent chaudement. Celle dont le grand public ne connaissait pas le nom jusqu’à l’annonce du gouvernement Ayrault est ici connue comme le loup blanc. « J’aime la vie parlementaire, cette maison, c’est un peu la mienne », lance-t-elle en guise de préambule.

Rigueur, pugnacité et sévérité

Cet ancrage dans la vie politique est sans doute le secret d’une femme à la fois discrète et forte. Une réputation de rigueur, de pugnacité, et parfois même de sévérité l’accompagne. « Raide », « intransigeante », « un peu sèche », nous avait-on chuchoté. On en était presque inquiet. Le sourire de cette élégante sexagénaire (65 ans en juin) face à la faconde de l’imposant ténor Delebarre pourrait rassurer. Ne pas s’y fier. Lorsque Mme la Rapporteure générale de la commission des finances montait en tribune sénatoriale, il y a encore quelques jours, les lignes ennemies n’en menaient pas large. « Nicole n’est pas quelqu’un qui se lance dans des envolées lyriques, décrit la sénatrice écologiste du Nord Marie-Christine Blandin, qui a noué avec la nouvelle ministre de l’Ecologie « de solides liens d’amitié ». Mais quand elle s’est emparée d’un sujet, elle est incollable : d’une voix égale, presque monocorde, elle déroule des démonstrations implacables qui ont d’ailleurs renvoyé nos précédents ministres dans leurs cordes. » Nicole Bricq est la première femme à occuper ce poste d’homme, dit-on, l’un des plus hauts de l’Etat français.

« Je suis un soldat »

C’est sans doute pourquoi le landerneau médiatico-politique attendait plus naturellement cette fine lame des finances publiques à des postes budgétaires. Elle-même, le jour de sa nomination à l’écologie, avouait son propre étonnement, avant de se reprendre : « Mais je suis un soldat ». Insuffisant pour certains. Si la sénatrice est connue pour son rapport sur la fiscalité verte (1997) ou ses propositions sur la fiscalité carbone (2009), qui l’a déjà entendue sur la biodiversité, la qualité de l’air ou la question des nitrates ? « Les compétences requises concernent un domaine extrêmement large et technique, souligne l’ancienne secrétaire d’Etat chargée de l’écologie Chantal Jouanno. On ne connaît pas son nom dans les milieux de l’écologie, ce qui pose un problème de crédibilité. D’ailleurs, l’écologie n’est pas un sujet politique, c’est un engagement. » Les gens qui ont fréquenté Nicole Bricq dans l’ombre n’en doutent pas.


Nicole Bricq est une socialiste avant tout. Engagée à 25 ans dans le mouvement chevènementiste Ceres, elle fut ensuite strauss-khanienne, puis hollandiste. Jamais collée pour être sur la photo, mais toujours là. « Elle est d’une grande fidélité dans ses choix politiques, extrêmement respectée dans son camp, dure en affaires, et cela comptera pour obtenir ce qu’elle voudra », souligne Bettina Laville, éminence verte rompue aux arcanes politique. Les deux femmes se connaissent depuis vingt ans. A l’époque, Bettina Laville conseille Matignon sur les questions environnementales quand Nicole Bricq est au cabinet de Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement. En 2008, elles sont toutes les deux parmi les premiers signataires de la motion B du Congrès de Reims, issue du Pôle écologique du PS, « Pour un Parti Socialiste résolument écologique ». Y figure également la signature de Giraud Guibert, nommé il y a quelques jours directeur de cabinet de Nicole Bricq. « Avec cette motion, elle savait qu’elle allait faire un score modeste, et pourtant on l’a vue parcourir le pays pour la porter, explique Emeric Bréhier, premier secrétaire de la fédération de Seine-et-Marne du Parti socialiste. Nicole est une militante : elle est capable d’animer une réunion de section pour 15 personnes ! »

« Ça fait quinze ans qu’elle s’intéresse à l’environnement ! »

A ceux qui prendraient encore Nicole Bricq pour une fiscaliste intéressée par l’écologie, les fidèles continuent de rafraîchir la mémoire. « C’est l’inverse : ça fait quinze ans qu’elle s’intéresse à l’environnement, mais elle a compris que la maîtrise des outils économiques était fondamentale, sourit Pierre Radanne, précurseur des questions énergétiques et écologiques. Pour traiter à la fois d’environnement et d’énergie, heureusement revenue dans le giron du ministère, il n’y avait pas dix personnes capables de prendre ce poste ! »


Ceux qui l’ont découverte plus récemment ont accueilli sa nomination avec optimisme. « Nous l’avons rencontrée comme sénatrice sur le plan de prévention des risques technologiques, puis sur la lutte contre l’exonération des taxes nuisibles à l’environnement : tous les parlementaires ne nous ont pas reçu avec le même sérieux », souligne Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement. Même le moustachu faucheur d’OGM semble apprécier la poigne franche sous l’apparence BCBG de la sénatrice de Meaux. « Elle a été la première à déposer un texte de loi très clair, sans ambiguïté, demandant l’annulation des permis d’exploitation et d’exploration de gaz de schiste : c’est une femme de conviction qui connaît la réalité de son terrain », se réjouit l’eurodéputé José Bové. La veille de la nomination de Nicole Bricq, l’altermondialiste n’était-il pas en sa compagnie, en Seine-et-Marne, battant la campagne pour le compte de la candidate locale EELV, en grande partie sur ce thème-là ?

« Elle parle le même langage que Bercy »

Chez Greenpeace, on attend avec impatience de voir si cette position, plus ambitieuse que celle du candidat Hollande devenu Président, tiendra la route. « On verra comment elle s’en sort, mais elle parle le même langage que Bercy, ce qui peut aider dans un rapport de force », espère Karine Gavand, chargée des questions politiques au sein de l’ONG. Parmi ses armes secrètes, Nicole Bricq a encore Jean-Paul Planchou, maire de Chelles, son compagnon « depuis un quart de siècle », nous dit-on. Un très proche de Pierre Moscovici, aujourd’hui devenu ministre des Finances. Et si la manière douce ne suffisait pas, Nicole Bricq aura-t-elle les épaules, face aux gros portefeuilles souvent prêts à croquer dans le vert ? Emeric Bréhier répond en corrigeant : « La vraie question est : auront-ils les épaules pour résister à Nicole Bricq ? »