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Le facteur paye sa tournée de justice fiscale
jeudi, 24 mai 2012 / Arnaud Gonzague

Le facteur 12, de Gaël Giraud et Cécile Renouard, Editions Montparnasse, 256 p., 18 euros.

Combien un Français doit-il gagner par mois pour que ses concitoyens le trouvent trop riche ? Autrement dit, à partir de quel revenu l’intervention du fisc est-elle jugée légitime pour raboter le trop-plein d’argent ? Interrogés en 2011 à ce sujet, deux tiers des Français se prononcent pour un revenu inférieur à 10 000 euros mensuels. Quelque chose comme dix fois le Smic. Publiée à l’époque par Le Journal du dimanche, cette statistique avait fait ricaner quelques éditorialistes, désolés que nos concitoyens s’en tiennent à cet infantile rapport de 1 à 10. La réalité de notre pays, rappelée dès les premières pages du Facteur 12, est en effet plus crue. En France, si vous additionnez le salaire, les stock-options et les dividendes des patrons les mieux payés, vous arriverez à ce chiffre vertigineux : 20 000 fois le Smic !

Coup de tournevis

Pas besoin d’être un adepte du complot ploutocratique pour trouver ce rapport tout simplement ignominieux. Et comprendre que l’idée de plafonner les salaires par l’impôt n’a rien d’une lubie confiscatoire. C’est du bon sens, destiné à remettre un coup de tournevis à une machine devenue folle. Pour Gaël Giraud et Cécile Renouard, respectivement économiste et philosophe, il faudrait – d’où le titre de leur essai – s’en tenir à un rapport de un à douze. D’autres le fixent de un à vingt. Au fond, peu importe. La question est : quelles en seraient les conséquences économiques ? Les « forces vives » de la nation ne seraient-elles pas tentées de déguerpir illico presto (et avec elles, les entreprises, les emplois, la croissance…) ?

Ruée sur le bio ?

Ces arguments, les auteurs les analysent en détail et démontrent qu’ils sont imaginaires. Pour eux, une saine redistribution des richesses ne pourrait au contraire que relancer la machine économique en stimulant la consommation des masses. Mieux : elle serait en mesure de financer le « facteur 4 », c’est-à-dire une économie d’avenir, quatre fois moins productrice de gaz à effet de serre. La justice fiscale pour hâter la transition écologique ? Voilà leur grand dessein. Mais disons-le, il ne convainc qu’à moitié. Car certes, dégager des marges de manœuvre budgétaires pour subventionner l’éolien, le photovoltaïque ou les transports du futur est une fichtre bonne idée. Mais penser que les classes moyennes, au pouvoir d’achat démultiplié, se rueront sur les produits bios et équitables (c’est le postulat des auteurs) est pour le moins théorique… La victoire de la consommation durable se trouve moins dans les porte-monnaie que dans les cerveaux. Hélas, aucune loi fiscale, aussi juste soit-elle, n’a encore su changer les mentalités. —


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