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A Bouvron, dans la cantine à l’assiette 100% bio
mardi, 22 mai 2012 / Hélène Pennaneac’h

Du local et du bio tous les midis à la cantine, mission impossible ? Dans ce village près de Nantes, parents d’élèves et professionnels ont mis leur énergie en commun pour proposer une alimentation de qualité. Et c’est moins compliqué qu’on veut bien le croire.

Ne lui parlez surtout pas de « cantine ». Joël Josse est cuisinier dans un « restaurant scolaire ». Chaque jour, il prépare 200 repas pour les petits locavores de l’école Félix Leclerc de Bouvron, à 30 km au nord de Nantes. Ici, les 20% d’alimentation bio dans les cantines scolaires préconisés par la loi Grenelle ont été dépassés depuis longtemps. « Tout est préparé sur place, et on a une grande liberté pour créer nos recettes », explique Joël Josse, pas peu fier d’exhiber sa sorbetière. « On fait nous-mêmes nos glaces et nos frites par exemple… » Plus qu’un cuisinier, il est le chef d’orchestre de cette cantine atypique, 100% locale, et 100% bio sauf pour la viande, parce qu’aujourd’hui il est encore impossible de s’approvisionner en viande en totalité via les circuits courts. Mais une grande partie des éleveurs fournisseurs de la cantine sont en phase de conversion.

Quand les petits de maternelle arrivent pour le premier service, de grands « Bonjooooour Joël » fusent dans la salle. Après quelques minutes, un élément finit par intriguer : il y a du vert partout dans les assiettes ! Au menu de ce mardi de mai : haricots au quinoa, salade de batavia et romaine, vinaigrette aux orties... et des enfants qui avalent goulûment tous leurs légumes.

La pédagogie est l’un des moteurs essentiels du projet. « Il est très important d’intégrer l’enfant au cœur de la démarche », souligne Marcel Verger, le maire du bourg. Les enfants vont voir les producteurs, trient les déchets et les apportent au compost. La cuisine reste ouverte, comme un laboratoire où ils peuvent mener leurs expériences.

Coûts maîtrisés

L’association Les Petits palais, qui gère le restaurant depuis 2004, met l’accent sur la qualité et le local. La transition bio s’est opérée en 2007. « Nous avons introduit les aliments un par un », souligne Bernadette Pouget, la trésorière de l’association. Puis, en relation avec le GAB44 (Groupement des agriculteurs biologiques de Loire-Atlantique), salariés et parents bénévoles ont cherché à s’approvisionner en local et ont étudié la traçabilité, les contenants, la chaîne du froid, les protocoles du lait cru… et l’optimisation des coûts. « Nous avons appris en même temps que les producteurs, qui n’avaient jamais travaillé sur un projet de si grande ampleur », poursuit-elle.

Le prix, c’est un des principaux griefs fait à l’alimentation bio. À la cantine de Bouvron, le quotient familial n’est pas pris en compte. C’est le même tarif pour tout le monde : 3,08 euros par repas. Un manque de dégressivité qui pourrait pénaliser les familles à plus faible revenu. Mais à la mairie, Marcel Verger balaye ces critiques : « Le nombre d’élèves qui restent à la cantine augmente mois après mois », constate-t-il, « et je n’ai pas reçu de demande d’aide pour les repas de la part des parents. » Au final, chaque repas est financé à 64% par les parents et à 36% par la municipalité.

Repas alternatif

Le tarif n’a quasiment pas augmenté depuis trois ans. En 2009, l’association a estimé que le surcoût dû au bio était de seulement 20 centimes par assiette. Et le cuisinier Joël Josse annonce à demi-mots qu’il va faire baisser les coûts.

Alors, comment il fait, Joël, pour proposer de la qualité en maîtrisant les coûts ? Il braque les Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) le mercredi ? Mieux que ça : il rationalise. A voir les seaux de déchets presque vides à la fin du service, il semble que même les enfants ont intégré ce principe de base. « On leur apprend à ne rien laisser dans leur assiette, explique Bernadette Pouget. Les enfants ont une grande autonomie. Même les plus petits savent se servir tout seuls, en fonction de leurs besoins. » Jeter peu, adapter les menus à chaque tranche d’âge, suivre les doses réglementaires de protéines... autant de mesures qui permettent de faire des économies.

Les parents déjeunent avec leurs progénitures

Autre innovation : une fois par mois, le restaurant propose un repas « alternatif », sans viande ni poisson. « La viande est la denrée la plus chère, poursuit la trésorière, « donc ça fait baisser le coût global. Mais c’est aussi une volonté de diminuer les protéines animales. » Le concept n’a pas d’emblée recueilli tous les suffrages, mais s’est imposé à force de discussions. Les parents peuvent d’ailleurs se rendre compte par eux-mêmes des menus puisqu’une fois par mois ils ont la possibilité de déjeuner à la cantine avec leurs progénitures.

Et c’est autour d’un café qu’ils y rencontrent les agriculteurs, comme l’éleveur porcin Briand Martin, passé déposer des merguez pour le couscous du lendemain. Adepte des circuits courts, il est membre de l’association De la terre à l’assiette, où toutes les viandes sont abattues, découpées et transformées sur place dans un atelier commun à plusieurs éleveurs.

Marcel Verger, le maire, est aussi conseiller général de Loire-Atlantique. Fort de son expérience municipale, il met en place dans le département une opération visant à faire passer 23 collèges volontaires à 40% de bio dans les menus d’ici à la fin de l’année 2013.

« Un terreau fragile »

Il faut dire que la petite commune de 3 000 habitants n’en est pas à son coup d’essai en matière de développement durable. À Bouvron, on trouve pêle-mêle des lampadaires à éoliennes, un éco-hameau, une station d’épuration sans rejet et sans boue… A la sortie de l’école, impossible de rater les grands panneaux solaires qui recouvrent les toits des maisons de l’autre côté de la rue. Et la construction du prochain bâtiment scolaire, avec des murs en terre-paille, se fera dans un processus de « conception intégrée » – toutes les personnes concernées interviennent dès le départ en même temps que les architectes.


Le conseiller général aime parler de « co-responsabilité » et de « terreau positif » qui a su faire bouger les lourdeurs administratives et les mentalités. Elus sensibilisés au « bien manger », parents bénévoles et enthousiastes, cuisinier réceptif, salariés associés au projet... Tous ces éléments sont indispensables pour faire marcher une cantine comme celle de Bouvron. « Mais ce terreau est fragile », précise le maire. « Si l’un des composants se retire, c’est toute la chaîne qui est déséquilibrée. »

Beaucoup plus pragmatique, un parent d’élève affirme que « pour faire du bio il faut être un bon cuisinier ». Pas de mystère, Joël Josse a été cuisinier dans un restaurant gastronomique avant d’officier dans la restauration scolaire. Les enfants, qui se précipitent pour lui faire la bise en arrivant, ne s’y trompent d’ailleurs pas : une fois partis au collège, ils déclarent regretter le temps des sorbets et des moules frites maison à l’école primaire.


Le bio à l’école en chiffres

- Selon un sondage CSA/agence bio de 2010, 45% des enfants ont déjà eu un repas avec des produits biologiques au restaurant scolaire (contre un quart en 2008) et 77% des parents des enfants qui n’en ont jamais eu le souhaiteraient
- En 2010, 51% des établissements scolaires ont déclaré proposer des produits bios
- Pourtant, d’après le WWF, fin 2011, on comptait moins de 2% de bio dans les écoles.
- Fin 2010, 4% des exploitations agricoles françaises étaient bio, soit 3,09% de la surface agricole (encore très loin de l’objectif de 6% du Grenelle de l’environnement)
- La part du bio dans le marché alimentaire a atteint 2%

sources : Agence bio

- Le blog de l’association

- Le blog de Ma cantine bio

- Le site du WWF

- Le site de l’Agence bio


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