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Pour le WWF, en 2030, nous aurons besoin de 2 planètes pour survivre
mardi, 15 mai 2012 / Justine Boulo /

Née au bout de la Loire, un pied dans l’Atlantique, l’autre embourbé dans la terre, elle s’intéresse aux piafs et aux hortensias, observe ses voisins paysans et leurs élevages bovins. Elle enrage devant les marées noires. Licenciée en lettres, elle sort diplômée de l’Institut pratique du journalisme de Paris en avril 2012. Elle scrute les passerelles qui lient les hommes à leurs terres. Parce que raconter la planète, c’est écrire au-delà des pommes bio et du recyclage de papier.

Pour assurer leurs besoins, les pays développés puisent chez leurs voisins du Sud, au détriment de la biodiversité, souligne le dernier rapport de WWF. L’association propose de réorienter les flux financiers avec une valorisation de la nature.

Au rythme actuel de consommation, il faut un an et demi à la Terre pour produire et renouveler les ressources naturelles consommées par les êtres humains en une seule année. Un constat alarmant que le Fonds mondial pour la nature (WWF) décrit dans son rapport Planète vivante 2012, publié ce mardi 15 mai.

Jim Leape, le directeur général de WWF International, écrit que « sauf changement de cap imminent, même l’exis­tence de deux planètes ne permet­trait pas de répondre à nos besoins à l’horizon 2030 ». Malgré tout, « nous pouvons créer un avenir prospère où la nourriture, l’eau et l’énergie seraient acces­sibles en quantité suffisante aux neuf, voire peut-être dix milliards d’êtres humains appelés à se partager la surface du globe en 2050 », poursuit-il.

Déclin de la biodiversité sous les tropiques

En quarante ans de consommation excessive et d’explosion démographique, la biodiversité en a pris un coup. D’après l’indice planète vivante, [1], l’écosystème mondial s’est appauvri de 28%, entre 1970 et 2008. Mais pas de manière homogène. Dans les zones tropicales, l’indice global affiche un déclin supérieur à 60%, mais s’inscrit en hausse de 30% dans les régions tempérées. Pourquoi ? Car ce sont dans ces climats doux que les pays industrialisés se regroupent. Or, les Etats du Nord ont entrepris des mesures de conservation après avoir largement dégradé leur environnement au cours des siècles passés. Les pays tropicaux, eux, en accélérant leur développement économique, rejoignent le même niveau de destruction des écosystèmes.

Même refrain pour l’empreinte écologique. D’après le WWF, si chaque être humain adoptait le mode de vie d’un Indonésien, nous aurions besoin des deux tiers de notre planète. Mais si chacun des habitants du globe consommait autant qu’un Américain moyen, pas moins de quatre Terre seraient nécessaires.

Les pays riches convoitent les ressources des pays pauvres

Dommage, le globe est unique. Alors pour assouvir leurs besoins, certains vont là où la ressource se trouve. Et elle est rarement sur leur territoire. La compétition pour le contrôle de la richesse a déjà commencée, qu’il s’agisse de produits alimentaires issus de la pêche ou de l’agriculture, de biocarburants ou de matières premières, comme les énergies fossiles ou encore le bois. Le WWF cible notamment le phénomène de l’accaparement des terres. Dans toutes les régions en développement, des investisseurs étrangers cherchent à sécuriser l’accès aux terres agricoles en vue d’en développer la production. Ils sont Indiens, Chinois ou Emirati, et convoitent les terres arables éthiopiennes, indonésiennes ou malgaches.

Le dernier exemple pharaonique en date est l’acquisition par la Libye de 100 000 hectares de terres maliennes en avril dernier (voir la vidéo ci-dessous en anglais). Les estimations révèlent que, depuis les années 2000, la superficie concernée par ces acquisitions foncières est équivalente à celle de l’Europe orientale. La crise alimentaire de 2007-2008 n’a fait qu’accélérer ce processus. Le 11 mai dernier, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) publiait une série de directives mondiales ayant pour vocation d’aider les gouvernements à protéger les droits de propriété ou d’accès des peuples aux terres, aux forêts et aux pêches.

Cinq idées contre l’alarmisme

A cinq semaines de la Conférence des Nations unies sur le développement durable Rio+20, ce n’est pas le moment pour le WWF de dépérir. L’association écologiste propose des solutions pour infléchir la tendance. « Encore faut-il que nos économies, nos modèles d’entreprise et nos habitudes quotidiennes s’enracinent dans une réalité fondamentale : celle selon laquelle le capital naturel de la Terre est limité », prévient-elle.

Commençons par le commencement : « préserver les ressources ». Et concrètement ? En restaurant les écosystèmes et mettre en réseau les aires protégées. Une fois protégées, ces richesses doivent être « mieux produites », en limitant les déchets et les pesticides, en instaurant une production durable, via les énergies renouvelables. Et en bout de chaîne, « consommer plus raisonnablement », selon des modèles « plus sains, moins énergivores ».

Et autour de ce circuit, deux actions économiques et gouvernementales. Primo, réorienter les flux financiers avec une valorisation de la nature, une prise en compte des coûts environnementaux et sociaux et un soutien à l’innovation. Secundo, instaurer une gouvernance équitable des richesses, par des cadres juridiques et politiques qui garantissent un accès égal aux ressources énergétiques et alimentaires.