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Climat : la foire au carbone
jeudi, 25 mars 2004 / Walter Bouvais /

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L’Europe s’attaque au changement climatique. Le 1er janvier 2005, un marché unique au monde verra le jour : les entreprises y achèteront et y vendront des permis d’émission de dioxyde de carbone. Ce système a été imaginé pour inciter les principales industries polluantes à réduire leurs rejets de gaz à effet de serre. Malheureusement, les négociations en cours entre les entreprises et les Etats membres comme la France, tournent à la bataille de chiffonniers, preuve que les enjeux environnementaux ne sont toujours pas pris au sérieux. Résultat, la Bourse européenne du CO2 est en péril, avant même d’avoir vu le jour.

C’est une foire d’un genre nouveau. Un marché sorti tout droit de romans de science-fiction, sur lequel des entreprises et des intermédiaires achèteraient et vendraient des paquets de dioxyde de carbone. A la tonne. Ce marché n’a rien d’imaginaire. Il devrait voir le jour en Europe le 1er janvier 2005. Les préparatifs sont en cours et un marché officieux existe déjà, sur lequel le CO2 s’échange autour de 10 à 13 euros la tonne.

Avez-vous votre permis ?

Retour en arrière le 4 mars 2002. Ce jour-là, en ratifiant le protocole de Kyoto sur le changement climatique, l’Union européenne s’est engagée à diminuer de 8% ses émissions de gaz à effet de serre (GES), sur la période 1990-2010. L’effort porte principalement sur le dioxyde de carbone (CO2), ce gaz hautement suspect de détraquer la météo de la planète. Pour tenir son engagement, la Commission européenne a accouché d’une batterie de textes ambitieux. Parmi eux, une directive adoptée le 13 octobre 2003 instaure le rationnement des émissions de CO2. En clair, pour rejeter ce gaz dans l’atmosphère, les entreprises devront désormais détenir des "quotas d’émission", également appelés "permis" ou "crédits". Si pour sa production l’entreprise Latuile SA rejette 100 tonnes de C02 dans l’atmosphère, elle devra ainsi détenir 100 quotas de 1 tonne.

Une Bourse du CO2

Le 1er janvier 2005, pour démarrer cette expérience unique au monde, l’entreprise Latuile SA et ses concurrentes se verront attribuer gratuitement un lot limité de quotas, qu’elles pourront ensuite échanger sur le marché européen. La Bourse européenne du CO2 sera née. Logiquement, les entreprises qui réaliseront des efforts pour diminuer leurs émissions de CO2 n’auront pas besoin d’utiliser tous leurs quotas. Elles pourront les vendre sur le marché. Les plus polluantes les achèteront. Le tout, selon la loi éculée de l’offre et de la demande (voir encadré). Les pollueurs paient. Les autres encaissent. "C’est la prime à la vertu", commente Philippe Meunier, le secrétaire général de la Mission interministérielle sur l’effet de serre.

La liberté... sous contrainte

Contrairement aux apparences, cette Bourse n’est pas un instrument économique. C’est un instrument environnemental : il n’a pas pour objectif d’enrichir un acteur en particulier, mais de réduire les émissions de CO2. Et la clé de voûte du système, c’est l’enveloppe de quotas en circulation : elle doit être strictement limitée. Plus rares, les quotas seront en effet plus chers. "Si payer un permis coûte trop cher, alors on doit émettre moins de CO2. Cela veut dire, soit produire moins, soit investir dans des technologies moins polluantes ou moins consommatrices en énergie, souligne Stéphanie Monjon, chargée de mission à l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. En fait on passe d’un système dans lequel les entreprises n’avaient aucune contrainte - elles polluaient autant qu’elles voulaient - à un système dans lequel il y a une contrainte mais où on laisse le choix. Polluer et payer, ou investir pour polluer moins". Voilà pour la théorie.

Une magnifique usine à gaz

Malheureusement, la réalité est tout autre et la belle machine risque de se métamorphoser en usine à gaz. Tout d’abord, ce marché des quotas laisse de côté une grande partie des sources d’émission de CO2 de l’Union européenne. Seules l’industrie (papier, céramique, ciment, sidérurgie...), les raffineurs et les producteurs d’électricité sont concernés, soit 10.000 installations en Europe. L’agriculture, l’habitat, les déchets et surtout les transports n’entrent pas dans le cadre de la directive. Au total, celle-ci couvre donc seulement 46% des rejets de CO2 de l’Union. Le reste fera l’objet d’autres mesures.

La France est à la traîne

Ensuite, la Commission européenne a demandé aux Etats membres de fixer eux-mêmes l’enveloppe des quotas attribués aux entreprises de leur territoire. C’est là que les affaires se gâtent. Ces enveloppes portent le nom de "Plans nationaux d’allocation de quotas de carbone" (PNAQ). Chaque pays doit remettre son PNAQ avant le 31 mars, sur le bureau de la commissaire à l’Environnement Margot Wallström. La Grande-Bretagne, l’Irlande et le Danemark l’ont déjà fait. L’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la France sont à la traîne...

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