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Jadot : « Non, Eva Joly n’a pas été une erreur de casting »
lundi, 23 avril 2012 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

2,3% pour Eva Joly. Le score d’Europe Ecologie - Les Verts à la présidentielle n’est guère reluisant. La faute au vote utile et à l’absence de débat de fond dans la campagne, selon Yannick Jadot, député européen d’EELV.

Terra eco : Eva Joly à 2,31%. C’est un mauvais score. Vous êtes déçu ?

Yannick Jadot :  On fait mieux qu’il y a cinq ans (1,57% des voix pour Dominique Voynet, ndlr). Mais on ne fait pas autant qu’on aurait souhaité. Dans cette campagne, il y avait un tel rejet de Nicolas Sarkozy qu’une partie de l’électorat a fait un vote de deuxième tour. Ils ont porté Hollande le plus haut possible pour sortir Nicolas Sarkozy. On a subi un peu ça ainsi que l’absence de sujets de fond dans la campagne. D’ailleurs, je m’amuse à interpeller les journalistes : à votre avis quel était le dernier thème abordé dans la campagne ?

Terra eco :

Y.J. : Et bien figurez-vous que c’était le permis de conduire, il y a quinze jours. Ça montre un peu ce qui s’est passé. Les écologistes et Eva Joly ont porté des propositions sur l’économie verte, le pouvoir d’achat, l’emploi, l’industrie… Mais ça n’a pas été débattu. L’Europe, la santé, l’éducation n’ont pas été débattus. La campagne a tourné autour du « il faut absolument changer de Président ».

Pensez-vous qu’Eva Joly a été une erreur de casting ?

Non, elle n’a pas été une erreur de casting. Je vous le dis cash, comme je le pense. Eva Joly a été tous les jours sur le terrain, elle a regardé des expériences innovantes, rencontré des PME vertes, des professionnels de santé. Elle a fait le job. Mais elle a été confronté à une équation difficile. On savait qu’elle le serait et les résultats le confirment. C’est la même chose pour la gauche de la gauche dont les résultats n’ont pas été supérieurs à ceux de 2007. Certes Jean-Luc Mélenchon a fait plus que Marie-George Buffet en 2007 mais il bénéficie de l’inexistence du NPA et de Lutte ouvrière. Il y a une telle volonté de changement que l’électorat s’est focalisé sur celui qui représente l’alternative, François Hollande.

Est-ce que ce mauvais résultat signe la fin de l’élan dont a bénéficié Europe Ecologie - Les Verts lors des européennes en 2009 puis des régionales en 2010 ?

Y.J. : Non. Daniel Cohn-Bendit l’avait bien dit : « Après les européennes, la présidentielle arrive et ça sera un moment délicat. » Les écologistes devront faire le bilan de cette séquence. Mais ce n’est pas encore le moment, il faudra attendre fin juin. Pour l’instant, nous allons nous concentrer sur la mobilisation pour faire gagner François Hollande puis la mobilisation pour les législatives.

Et après, vous ferez le bilan de ce qui est arrivé à cet élan ?

En partie oui, il faudra regarder ce qu’on a fait depuis 2009. Mais dans un pays où on enchaîne élection sur élection, c’est difficile de s’extraire. Notre force, c’est d’instaurer une autre vision de la politique. Une autre façon de générer le débat dans la société. Le truc fou, c’est qu’à part François Hollande qui a gardé ses distances, pendant cette campagne, on a vu la France du non, du non à l’Europe. On va essayer de mobiliser pour une nouvelle relation à l’Europe. Si on n’est pas capable de faire ça dans l’année qui va suivre, on pourra dire qu’EELV a échoué.

Vous avez enregistré hier un mauvais score mais le PS vous a garanti une soixantaine de circonscriptions à travers la signature d’un accord. Pensez-vous que les socialistes puissent revenir dessus ?

Y.J. : Non, pas une seconde. Ils l’ont signé et ils l’ont rappelé pendant la campagne. L’accord sera respecté. Ils savent qu’EELV représente plus que le score qu’on a fait là. Ils savent la réalité de notre contribution au Sénat, à l’Assemblée nationale, dans certaines villes. Vous savez, la gauche et l’écologie doivent constituer une majorité forte à l’Assemblée. Ils ne vont pas remettre en cause un accord pour faire sauter 5 circonscriptions.

Pensez-vous que l’écologie a une chance de revenir sur le devant de la scène dans les quinze jours qui nous séparent du deuxième tour ?

Y.J. : J’ai bien peur que non. Vu que le deuxième tour tend encore plus à la personnalisation, ça m’étonnerait qu’on ait le droit aux sujets de fond. Et pourtant, pendant ce temps, la sécheresse est en train de monter, le dérèglement climatique et la pollution de l’air ne vont pas s’arrêter… Quel que soit le prochain gouvernement, le prochain parlement, il faudra en parler. Ce que nous, EELV, avons devant nous, c’est une responsabilité majeure, historique dans un grand débat citoyen sur l’énergie (François Hollande l’a promis, ndlr). C’est quelque chose qu’on n’a jamais eu dans ce pays. C’est la responsabilité des écologistes que dans chaque village, ville, région, on rende crédible un scénario alternatif basé sur les économies d’énergie, les renouvelables, l’efficacité énergétique… Si on considère qu’on a déjà convaincu là dessus, on se trompe ! La plupart des Français sont pour une sortie du nucléaire mais ils ne sont pas convaincus par un modèle alternatif. C’est notre boulot de le crédibiliser.

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