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Savez-vous planter les sous ?
dimanche, 1er mars 2009 / Simon Barthélémy

La Foncière Terre de liens propose de placer vos bas de laine dans la terre bio. Douze exploitations ont été acquises en cinq mois.

Quand un troupeau disparaît, un causse se dépeuple. Depuis sept ans, l’éleveur Jean-François Réveillac lutte pour éviter cette issue fatale. Mais son départ à la retraite, ajouté à la fin de son bail, ont failli précipiter les choses. La ferme du causse de Gramat, dans le Lot, risquait d’être vendue par son propriétaire et de devenir une résidence secondaire. Au départ, la générosité des 200 amis du fermier – voisins et militants – s’avère insuffisante pour racheter « la Terre », la bien- nommée exploitation, mise en vente à 330 00 euros. Pourtant, Sabine Himpens, thésarde en biologie, et son compagnon Stéphane, désireux de vivre des richesses du causse, vont bel et bien succéder à Jean-François Réveillac.

L’élan de « consom’acteurs »

Comment le miracle a-t-il eu lieu Grâce au rachat des 169 hectares par la Foncière Terre de liens. Créée en 2006, cette structure se définit comme le « premier outil financier d’investissement solidaire appliqué à la gestion du foncier et du bâti rural ». En juillet 2008, la Foncière a lancé un appel public à l’épargne. Cinq mois plus tard, elle avait récolté les 3 millions d’euros nécessaires à l’achat de terres pour 15 agriculteurs. Douze baux d’exploitations ont déjà été signés, dont celui de « la Terre ». « Un succès » que le gérant de la Foncière, Philippe Cacciabue, attribue à une communication efficace, menée notamment avec les magasins Biocoop : leurs clients représentent en effet 45 des 1 00 souscripteurs.

« Leur motivation est très liée à l’avenir de Biocoop qui, en contradiction avec sa philosophie, doit importer plus de la moitié de ses produits », souligne Philippe Cacciabue. En soutenant une agriculture bio locale, ces « consom’acteurs » veulent inverser la tendance. En tout cas, ce n’est pas avec la Foncière que les actionnaires feront la culbute, prévient-il. Aucun dividende ne sera versé à moyen terme, la valeur de l’action suivra l’inflation. « Les souscripteurs ont préféré s’asseoir sur les quelques pour-cent de rendement et placer leur argent dans un investissement sécurisé qui a du sens. »

« Propriété privée collective » L’enjeu est écologique puisque les terres sont vouées à l’agriculture bio ou durable. Mais il est aussi social. Car 200 fermes disparaissent chaque semaine en France. Et moins de la moitié des terres libérées par les départs en retraite sont reprises par des jeunes. En sauvant ou créant 15 fermes par an, la Foncière ne sera donc qu’une goutte d’eau dans la mer. « Plutôt une goutte d’huile dans une mécanique rouillée, corrige Philippe Cacciabue. On ne veut pas racheter la moitié de la France, mais expérimenter une alternative à la propriété privée individuelle des terres qui a démontré son incapacité à protéger la nature. Cette autre voie, c’est la propriété privée collective, avec des gens prêts à consacrer leur épargne pour garantir la qualité de l’alimentation et de la vie sur un territoire. » La Foncière va lancer un nouvel appel à l’épargne et compte aussi sur les collectivités locales. Sans toutefois rêver à des kolkhozes sur les causses. —

- Terre de liens


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