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Chantal Jouanno, fidèle au poste
lundi, 2 mars 2009
/ Marjane Foucault
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/ Edouard Caupeil - Luce
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Le cerveau « vert » de Nicolas Sarkozy, c’est elle. Après avoir écrit les principales déclarations environnementales du Président et oeuvré en coulisses lors du Grenelle, Chantal Jouanno décroche le secrétariat d’Etat à l’Ecologie, où elle succède à Nathalie Kosciusko-Morizet.
D’abord, on l’imaginait mal claquer la bise à José Bové. Sa façon d’emboîter le pas de Nicolas Sarkozy lors d’une visite à l’Isle-Adam (Val-d’Oise), très bourgeoise dans sa longue écharpe rouge, peut-être. Ou cet air un peu sec sur les photos. Mais si Chantal Jouanno installe une distance, c’est celle de la discrète déterminée, pas celle de l’intellectuelle cassante. Elle parle d’une voix douce et lâche des expressions démodées – « enquiquiner », « nous étions déraisonnables » – qui cassent le déroulement trop policé de ses démonstrations.
Elle s’est glissée dans le bureau de Nathalie Kosciusko-Morizet, au secrétariat d’Etat à l’Ecologie, sans rien y changer. Une pièce bibliothèque dont les vieux livres tendance grimoires, les moulages de crânes et les mouettes empaillées, venus du muséum d’Histoire naturelle, allaient bien avec les mitaines et les longues jupes de NKM.
A la veille du bac, ses professeurs estampillent son livret d’un avis défavorable. Elle le décroche, s’inscrit dans un BTS de commerce international. « Comme tout le monde, je voulais faire de “ l’international ”. » Puis suit une amie en fac économique et sociale : « La responsable de filière était portée sur les idées néomarxistes, c’était passionnant. » Elle doit choisir un stage, écrit « directement » à Martine Aubry au ministère du Travail. Obtient un poste. C’est là qu’un énarque lui conseille de faire Sciences-Po. Elle finit à l’ENA. « Je ne vais pas mentir, j’ai travaillé comme un Turc. Avec méthode, sans rien lâcher. » On continue. En 2002, elle est à la direction générale des collectivités locales. L’équipe de Sarkozy, alors au ministère de l’Intérieur, la repère – « je ne sais pas trop comment » –, et elle devient plume du ministre.
On dit que c’est Claude Guéant, actuel secrétaire général de l’Elysée, qui lui conseille de se mettre sur le dossier développement durable et écologie, créneau porteur. Elle le fait comme tout le reste : avec méthode, application. Prépare le programme du candidat pendant la campagne présidentielle – il obtiendra la pire note de l’Alliance pour la planète –, puis ?uvre au Grenelle. Fille de celui qui avait monté une PME de PLV, ces présentoirs de cartons dans les magasins, elle se retrouve à énerver les publicitaires avec des règles de contrôle du greenwashing. Elle qui vendait des AX en Afrique, lors d’un stage chez Citroën, plaide désormais pour limiter les rejets automobiles de dioxyde de carbone.
Elle lève l’avant-bras, serre le poing. Quand Chantal Jouanno parle de karaté, elle mêle le geste à la parole. Elle a été 12 fois championne de France. On y lit quelques traces de son caractère : « J’ai adoré essayer d’atteindre cette perfection. » Elle en fait une métaphore de la négociatrice qu’elle est devenue : « Essayer d’anticiper l’autre, le sentir. Quand on pratique beaucoup, ça ne s’explique pas, on sent ce que l’autre va faire. » « Elle sait manifestement écouter », poursuit Pascal Husting, directeur de Greenpeace.
« Elle est sympathique et connaît ses dossiers, estime Yannick Jadot. Mais si Sarkozy dit qu’il faut 15 EPR, [centrales nucléaires de troisième génération, ndlr] en Ile-de-France, elle le fera. » Le deuxième EPR français justement ? « Arrêtons d’opposer nucléaire et renouvelable, réplique-t-elle. Ma bête noire, ce sont les énergies qui émettent des gaz à effet de serre. » Le plan de relance pas très vert du gouvernement ? « D’accord, il met 400 millions d’euros sur les routes, mais aussi 470 sur le maritime, le fluvial et le ferroviaire. »
Elle veut se concentrer sur la biodiversité, la santé environnementale et la conso durable. « Dans nos pays industrialisés, on a martelé aux gens que, pour être heureux, il fallait avoir 15 paires de lunettes, 10 montres… » Et la Rolex de son mentor ? Elle s’arrête, rit un peu, avale une gorgée d’eau, renverse l’attaque : « On l’a diabolisé… C’est bien joli de donner des leçons aux autres. » Une prise inspirée du karaté.
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