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Bienvenue à la « locamaison »
jeudi, 19 avril 2012 / Alice Bomboy /

Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

Ne manger que des aliments issus de sa région, c’est (presque) facile. Mais y trouver les matériaux pour construire son logement ? Le défi était de taille…

Votre cuisine en marbre d’Italie, votre sol en ébène d’Afrique et vos murs en bambou de Chine sont certes ravissants, mais ils ne viennent pas de la porte à côté. Leur utilisation ferait même bondir nos ancêtres : historiquement, on faisait simple, en ayant recours à des matériaux prélevés dans notre environnement immédiat. « La plupart des maisons étaient construites comme des “ maisons 100 miles ”, telles que les habitations abritées dans les grottes, les huttes de pierre et les cabanes en bois, jusqu’aux maisons en cèdre, tipis et igloos des Indiens des nations premières », rappelle la Fondation d’architecture de Colombie-Britannique, au Canada.

L’écrivaine Briony Penn, épaulée par le bâtisseur Michael Dragland, a repris ces préceptes pour construire sa maison : tous ses matériaux, des fondations au toit, proviennent d’une distance de moins de 100 miles (160 kilomètres). Elle ne tarit pas d’éloges sur les bénéfices de cette expérience : pour elle, l’aventure a été un moment ludique, grâce auquel une communauté s’est créée parmi ses voisins, chacun discutant du projet et apportant sa pierre à l’édifice ! Mais ce qui compte pour les promoteurs de ces « constructions locales », c’est surtout l’aspect environnemental : le transport des matériaux ne vient plus plomber les coûts énergétiques, déjà importants pour leur extraction et leur fabrication. Mieux, en relocalisant les matériaux, on fait aussi renaître les techniques traditionnelles qui, plus adaptées aux conditions locales, ont un impact environnemental plus faible que la maçonnerie moderne. Le courant, en tout cas, prend ses racines.

La scie du voisin

En février dernier, la Fondation d’architecture de Colombie-Britannique a lancé une compétition internationale : aux participants de rivaliser d’imagination pour concevoir une maison de 110 m2, pour quatre personnes, en ayant recours exclusivement à des matériaux fabriqués ou recyclés dans les 100 miles autour de Vancouver. L’endroit n’est pas anodin : c’est déjà là qu’est né le mouvement des « locavores ». En 2007, outrés que leurs aliments parcourent 2 500 km jusqu’à l’assiette, les auteurs J.B. MacKinnon et Alisa Smith essayaient de ne consommer que des aliments cultivés dans un rayon de 100 miles autour de chez eux, pendant un an. Un concept facile à tenir pour des habitations ? La mégapole de Colombie-Britannique ne facilite pas la tâche : elle est bordée par l’eau à l’ouest, et des montagnes au nord et à l’est. Autrement dit, les ressources ne courent pas les 100 miles !

Briony Penn confesse ses déboires : elle a dû couper son propre bois avec la scie d’un voisin ou récolter du bois flotté – du cèdre – sur les plages à proximité. Les matériaux de récup ont grandement servi à bâtir sa maison. Le toit en ardoise provient ainsi de la maison de son grand-père, qui l’avait lui-même récupéré ! Le plus grand défi ? Trouver des appareils d’éclairage locaux et des matériaux d’isolation. Là, c’est finalement de la laine de roche – une laine minérale – recyclée qui a fait l’affaire. Le prix de sa « locamaison » ? 230 000 euros, soit plus cher qu’une maison classique construite dans la région. Mais pour les organisateurs du concours, qui espèrent rendre tendance la « maison 100 miles », là n’est pas l’important, du moins pour l’instant. Avant tout, il faut réveiller la conscience environnementale, martèlent-ils. —

Impact du projet

La maison de Briony Penn a coûté 230 000 euros

- Le site des maisons 100 miles