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Une campagne de faux débats : que retiendrez-vous ?
mercredi, 4 avril 2012 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Viande halal, chômeurs, civilisation… Depuis quelques semaines, les candidats à l’élection présidentielle s’adonnent à une cacophonie de polémiques, oubliant les sujets qui intéressent les Français.

- 4 février : le débat de civilisation

« Toutes les civilisations ne se valent pas. Celles qui défendent l’humanité nous paraissent plus avancées que celles qui la nient. Celles qui défendent la liberté, l’égalité et la fraternité, nous paraissent supérieures à celles qui acceptent la tyrannie, la minorité des femmes, la haine sociale ou ethnique… » Prononcées à l’Assemblée devant l’UNI, un syndicat étudiant de droite, ces paroles de Claude Guéant déchaînent les réactions. « En temps de fragilité sociale, il est des mots avec lesquels on ne joue pas », s’insurge le député PS Claude Bartolone. Cécile Duflot (Europe Ecologie - Les Verts), évoque un « retour en arrière de trois siècles », François Bayrou (Modem) « un dangereux détournement de pensée ». La droite, elle, soutient Claude Guéant de tout son poids, y compris Nicolas Sarkozy qui évoque une déclaration de « bon sens ».

- 11 février : les allocations chômage

Dans les colonnes du Figaro Magazine, Nicolas Sarkozy l’assure : s’il est réélu, il organisera un référendum sur le « système d’indemnisation du chômage ». Les chômeurs seront obligés d’intégrer une formation dans un secteur souffrant de pénurie et de prendre le job qui va avec. Là encore, c’est le tollé. Chez les syndicats d’abord. Bernard Thibault de la CGT juge que le Président-candidat « veut livrer en pâture les chômeurs pour détourner les regards sur les vraies raisons de la crise ». Du côté des politiques, même colère : « Après un premier mandat à fabriquer du chômage, Monsieur Sarkozy candidat à un second pour radier les chômeurs ! », dénonce Martine Aubry dans une tribune publiée dans Libération. « Faire passer les chômeurs, qui sont 4 millions dans notre pays, pour des fainéants, c’est très scandaleux », affirme la candidate écologiste Eva Joly.

- 18 février : la viande halal

A Lille, devant un aréopage de journalistes, Marine Le Pen affirme : « L’ensemble de la viande qui est distribuée en Ile-de-France, à l’insu du consommateur, est exclusivement de la viande halal. » Le gouvernement et les professionnels de la viande démentent. Le 5 mars, François Fillon rajoute de l’huile sur le feu en déclarant sur Europe 1 : « Les religions devraient réfléchir au maintien de traditions qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’état aujourd’hui de la science, de la technologie, les problèmes de santé. » Le lendemain, lors d’un déplacement à Villeneuve-la-Garenne, François Hollande appelle à « la retenue ». « Evitons ces faux débats, ces polémiques inutiles, ces querelles qui froissent. » Anecdotique le débat sur la viande halal ? Non, affirme Nicolas Sarkozy le 5 mars c’est « le premier sujet de préoccupation, de discussion des Français ».

- 27 février : un gros impôt pour… 3 000 personnes

Invité sur TF1, François Hollande propose d’instaurer un impôt à 75% sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros. Echauffement à droite. Pour Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, une telle réforme « relève d’une fuite en avant fiscale, de la confiscation fiscale ». François Bayrou, lui, citant Michel Audiard, ironise sur les ondes : « Le déconnonomètre fonctionne à plein tube. » Scandaleuse pour certains, la mesure est surtout ridicule pour d’autres. La nouvelle tranche ne concernerait en effet que 3 000 personnes pour une recette « minuscule » de 100 millions d’euros. Mais l’argument est « moral » pour le candidat socialiste. Et le joueur de handball Jérôme Fernandez de le soutenir : « A un moment où ça ne va pas, les plus riches se doivent d’aider les autres. »

- 19 mars : Le drame de Toulouse ou le déclic du discours sécuritaire

Devant un établissement juif de Toulouse, un homme descend d’un scooter et ouvre le feu. 4 morts dont 3 enfants. La semaine précédente, il avait abattu 3 militaires. Après une courte trêve, les candidats remettent très vite la sécurité au cœur de leur campagne. Lors d’un meeting le 24 mars, Nicolas Sarkozy déclare que « toute personne qui consultera de manière habituelle des sites Internet qui font l’apologie du terrorisme » ou qui se rendra « à l’étranger pour y suivre des stages d’endoctrinement sera punie pénalement ». Depuis la Corse, François Hollande pilonne le bilan du Président sortant et pointe « une montée des violences depuis cinq ans ». En meeting à Paris, François Bayrou réclame la mise en place de sous-préfets chargés de la sécurité dans les zones « de non-droit ». Quant au FN, il réclame « un mois de service militaire obligatoire pour détecter les jeunes se trouvant sous l’emprise du salafisme ».

- Quid du nucléaire, de l’économie et de l’emploi ?

Certes, à l’heure de l’anniversaire de Fukushima, on a aussi parlé de nucléaire, certains candidats militant pour le prolongement, d’autres pour un arrêt complet ou partiel des centrales françaises. On a aussi parlé de relocalisation de l’économie française, brandissant ça et là le made in France comme étendard. Mais après ? Dans une enquête, réalisée les 23 et 24 mars par Ipsos-Logica Business Consulting, 66% des personnes interrogées estimaient qu’on ne parlait pas assez, dans la campagne, de l’emploi et du chômage. Tandis que la question du pouvoir d’achat était, pour 64% des Français, considérée comme sous-traitée par les candidats. —