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La France doit-elle exploiter son gaz de schiste ?
jeudi, 29 mars 2012 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Richesse inespérée made in France ou catastrophe environnementale programmée ? Le débat sur le gaz de schiste est lancé.

C’est une nouvelle qui tombe à pic. Alors que les « ressources conventionnelles » d’hydrocarbures s’amenuisent et que les prix du baril flambent, la France se rêve en possible productrice de gaz. Son sous-sol contiendrait en effet des milliards de mètres cubes de gaz de schistes !

Indépendance énergétique

Les Etats-Unis ont pris le parti d’exploiter ce gaz depuis une dizaine d’années, et sont devenus ainsi l’un des premiers producteurs de gaz au monde. De nombreux observateurs invitent donc la France à imiter l’exemple américain. « La France recèle vraisemblablement les plus importantes réserves de gaz et huiles de schiste en Europe. Elle a un rôle considérable à jouer dans le domaine de la fourniture d’énergie », souligne ainsi Gérard Medaisko, docteur en génie géologique à la Sorbonne.

« Pourra-t-on longtemps se plaindre de la flambée des prix de l’énergie et refuser l’exploitation des gaz de schiste », s’interroge un éditorial du Monde au titre très clair : « Le pétrole flambe, le gaz de schiste attend. »

Risques environnementaux

Mais l’exploitation de ces ressources n’est pas la bienvenue en France. Car la méthode qui permet d’extraire ces gaz de la terre, appelée fracturation hydraulique, demande d’énormes quantités d’eau, mais aussi des produits chimiques. Et ces derniers peuvent polluer les roches et même la surface, à cause du manque d’étanchéité des forages. Sans compter que l’exploitation de ces hydrocarbures risque de plomber tout espoir de freiner le changement climatique.

N’en jetez plus ! La France a donc interdit en juillet l’utilisation de la fracturation hydraulique pour l’exploitation du gaz de schiste et a suspendu les trois permis qui avaient été accordés sur le territoire. Reste que l’exploitation des gaz de schiste n’est pas elle-même interdite, et que d’autres permis permettent la recherche de gaz de schiste, sans fracturation.

Faut-il renoncer à exploiter ces ressources ? Ou bien la crise énergétique que nous traversons doit-elle nous inciter à exploiter cet or noir ? Retrouvez ci-dessous la position des candidats à la présidentielle. Et partagez votre opinion dans le forum au bas de cet article.

- Nicolas Sarkozy (UMP)

Nicolas Sarkozy a affirmé plusieurs fois son refus de l’exploitation de gaz de schiste par fracturation hydraulique. Mais il a précisé « en prenant cette décision, nous ne tournons pas le dos au progrès. L’exploitation des ressources en hydrocarbures contenues dans notre sous-sol est un enjeu stratégique pour notre pays. Mais pas à n’importe quel prix ». Il attend que soit « démontré que les techniques disponibles pour l’exploitation de ces ressources sont respectueuses de l’environnement, de la complexité des sols et des réseaux hydrologiques ». En clair, le Président-candidat sera favorable à l’exploitation de ce gaz à condition de trouver des techniques moins polluantes, si elles existent.

- François Hollande (Parti socialiste)

Même position pour François Hollande, qui a lancé sur RTL en février : « pour l’instant il n’est pas question de l’exploiter en France ». Mais a précisé, « il ne faut jamais rien écarter surtout si des recherches démontrent qu’on peut obtenir ce gaz sans nuire à la nature ».

- Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche)

« Le Front de gauche s’engage, s’il est appelé à gouverner en 2012, à proposer un texte visant l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des gaz non conventionnels », a répondu le candidat du Front de gauche, interrogé par le collectif « Stop au gaz et huile de schiste ». En clair : pas de gaz de schiste chez nous.

- Eva Joly (Europe Ecologie - Les Verts)

La candidate écologiste souhaite « interdire définitivement l’exploration et l’exploitation de tous les hydrocarbures ». Clair, net et précis.

- Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République)

Interrogé par le même collectif, Nicolas Dupont-Aignan a adressé une réponse similaire. Il se prononce pour une législation plus stricte arguant : « Je ne pense pas que la législation actuelle sur la filière du gaz de schiste, qui interdit le recours à la technique de la fragmentation hydraulique, nous préserve des accidents de contamination de la nappe phréatique par le méthane. »

-  Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière)

Egalement interrogée par le collectif « Stop au gaz et huile de schiste », Nathalie Arthaud a souhaité aborder le sujet par un autre angle : les droits des travailleurs et la lutte anticapitaliste. « Nous ne voulons pas mener le combat contre telle ou telle technique sans discuter des conditions sociales dans lesquelles ces techniques sont mises en œuvre. Dans cette société, un grand nombre de techniques sont dangereuses. L’extraction du charbon, qui reste largement utilisée dans le monde pour produire de l’électricité et n’est pas facilement remplaçable à court terme, tue chaque jour des milliers de mineurs dans le monde. Si je suis solidaire de tous ceux qui refusent de voir des groupes privés explorer le sous-sol en toute opacité et avec des techniques dangereuses pour les nappes phréatiques et les riverains, ce n’est pas une simple charte qui les empêchera de nuire. Je pense que le principal problème de notre époque est de faire en sorte que la société maîtrise consciemment l’ensemble de ses choix en terme d’énergie. Cela implique d’enlever le contrôle et la possession des moyens de production aux actionnaires privés ou aux banquiers qui les possèdent. »

- Jacques Cheminade (Solidarité et progrès)

Le candidat s’est exprimé sur le gaz de schistes dans sa réflexion sur l’avenir énergétique de la planète : « Dans un univers en création continue, l’homme doit toujours découvrir des principes nouveaux et les appliquer pour vivre. Sans cela, il se trouverait contraint de réduire fortement la consommation d’énergie, d’essayer d’obtenir du gaz de schiste par fracturation hydraulique et du pétrole à partir de sables bitumineux ou d’accroître le recours au charbon ou à la lignite, comme c’est le cas aujourd’hui en Allemagne. C’est-à-dire, soit un désastre humain avec cette réduction criminelle de population voulue par certains, car sans énergie il ne peut y avoir de développement, soit un désastre écologique et humain par un recul technologique en tentant d’exploiter des sources d’énergie moins denses. »

- François Bayrou, Marine Le Pen et Philippe Poutou

A notre connaissance, ces deux candidats ne se sont pas exprimés sur le sujet.