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La viande halal, vieille lubie de l’extrême droite européenne
jeudi, 8 mars 2012
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Les candidats à la présidentielle font leur beurre sur la viande halal. Une pratique courante chez les partis européens d’extrême droite, qui mettent le halal à toutes les sauces depuis des années.
Marine Le Pen, François Fillon, Nicolas Sarkozy, puis à nouveau Marine Le Pen. Les candidats ont fait dans la surenchère sur le halal ces dernières semaines, n’hésitant jamais à remettre le couvert sur ce thème visiblement porteur. Mais la polémique n’est pas nouvelle et ils n’ont rien inventé. L’extrême droite et les partis populistes européens ont déjà souvent repris le flambeau de l’interdiction de l’abattage rituel, en surfant sur deux vagues à la fois, l’islamophobie et la sensibilité de nos contemporains pour la souffrance animale.
En Belgique, le Vlaams Belang, le parti d’extrême droite dirigé par l’Anversois Filip Dewinter qui atteignait encore des scores de 24 % aux élections régionales avant l’arrivée du concurrent populiste N-VA, a manifesté chaque année contre l’abattage rituel, image, selon lui, des valeurs « immigrées incompatibles avec les valeurs occidentales ».
En Italie, les populistes de la Ligue du Nord entament le même refrain « L’histoire de l’Occident, et donc de l’Europe, est toujours liée aux principes découlant de l’éthique et de la culture chrétienne », affirment-t-ils sur leur site Internet. Le parti régionaliste a déjà introduit deux projets de loi visant à interdire l’abattage rituel des animaux.
Aux Pays-Bas, les députés, poussés par le Parti pour les animaux et le Parti pour la liberté, avaient décidé en juin 2011 d’interdire l’abattage rituel. Plus précisément, ils avaient supprimé la dérogation permettant aux abattoirs respectant un rite religieux de déroger à la loi imposant la pratique de l’étourdissement. Mais le Sénat a retoqué cette décision en décembre dernier.
Du Parti pour la Liberté de Geert Wilders à la Ligue du Nord en passant par le Vlaams Belang ou les Sverigedemokraterna (extrême droite suédoise), c’est toute la droite radicale, voire néo-nazie, européenne qui se préoccupe du sort des animaux.
En fait une majorité de pays accorde une telle dérogation : l’Allemagne (depuis 2002), le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Italie, l’Espagne (sauf pour la viande bovine) et la Belgique.
En revanche, d’autres pays appliquent strictement la législation européenne : Grèce, Autriche (6 provinces), Norvège, Islande, Estonie, Norvège, Suède et Suisse. Ces trois derniers pays interdisent même formellement l’abattage rituel.
Toutefois, certains d’entre eux admettent l’abattage à domicile pour consommation personnelle. En Finlande, au Danemark et en Grèce, l’abattage est toléré à la condition expresse que l’animal soit préalablement endormi par un choc électrique. De fait, cette méthode fait débat au sein de la communauté musulmane.
Car la question du halal est loin d’être économiquement neutre. Le marché européen est estimé à 54 milliards d’euros (13,5 milliards pour la France et 5 pour l’Italie) et le secteur est fortement exportateur en direction... des pays musulmans.
La polémique en France
La polémique sur la viande halal n’en finit pas de s’imposer dans la campagne présidentielle. Initiée par Marine Le Pen, elle a été relancée, coup sur coup, par le candidat Nicolas Sarkozy et par François Fillon, notamment.
Dimanche dernier, lors de son meeting à Bordeaux, Nicolas Sarkozy a plaidé pour « l’étiquetage de la viande en fonction de la méthode d’abattage ». La veille, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, avait déjà entretenu la polémique en déclarant : « Nous ne voulons pas que des conseillers municipaux étrangers rendent par exemple obligatoire la présence de la nourriture halal dans les repas des cantines ». Lors d’un déplacement à à Saint-Quentin, le candidat Sarkozy a même remis le couvert en affirmant que « Le premier sujet de préoccupation [et] de discussion des Français [...] c’est cette question de la viande halal ».
Quant à François Fillon, en élargissant la question à toutes les traditions ancestrales d’abattage rituel des animaux, autrement dit, en France, selon les rites Halal et casher, il s’est attiré les foudres du Crif, le Conseil représentatif des institutions juives de France. Richard Prasquier, président du Crif, se dit ainsi choqué de l’entendre s’exprimer ainsi. « Même s’il dit que c’est à titre personnel qu’il s’exprime, quand on est Premier ministre, on a une parole officielle. Nous sommes dans un pays de séparation de l’Eglise et de l’État [...] Il n’a pas à s’immiscer dans des traditions religieuses » .
Après avoir affirmé le 18 février, en faisant l’amalgame entre production et distribution, que « l’ensemble de la viande qui est distribuée en Ile-de-France, à l’insu du consommateur, est exclusivement de la viande halal », la candidate du Front national a expliqué vouloir ainsi montrer aux Français qu’ils sont « méprisés dans leur propre pays » et « faire condamner cette tromperie et obliger à informer les consommateurs sur la viande qu’ils achètent ».
« Le fait que tout le monde soit obligé de se soumettre à une exigence alimentaire issue d’une religion, dont je persiste à dire qu’elle reste tout de même nouvelle, est quelque chose qui est profondément inadmissible et scandaleux », a-t-elle encore déclaré. Preuve que l’argument de la souffrance animale n’est qu’un faux-nez destiné à masquer les attaques contre une religion.
Mais toutes les voix sont bonnes à prendre et le Front national s’est fait une clientèle électorale ment fidèle auprès des amis des bêtes. Cela tombe bien, cela va, pour elle, de pair avec l’anti-islamisme.
Ainsi, après l’interdiction de la vivisection des primates pour la recherche scientifique, le Front national est, si on en croit Nation Presse, le seul parti de France qui s’oppose à ce qu’il nomme l’impôt islamique [qui serait versé aux organismes musulmans de certification].
Cet article de Marco Bertinili a initialement été publié sur Myeurop, le 6 mars 2012.
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