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« Le référendum peut désamorcer les conflits sociaux »
lundi, 27 février 2012 / Anaïs Gerbaud

La formation des chômeurs pour Sarkozy, la moralisation de la vie publique pour Bayrou… A l’aube de l’élection présidentielle, l’idée du référendum refait surface. Pour le chercheur Christophe Prémat, c’est une des solutions pour faire face aux crises sociales.

Christophe Prémat est chercheur en sciences politiques, associé au centre Durkheim à Science-Po Bordeaux. Il est l’auteur de La pratique du référendum local en France et en Allemagne (Editions universitaires, 2010)

Êtes-vous favorable à l’usage du référendum et si oui sur quels thèmes ?

Il faut des thèmes qui intéressent toutes les catégories sociales. Ils sont nombreux : l’école, le fonctionnement des services publics, les retraites... Les Français en sont demandeurs, la votation citoyenne lors de la privatisation de la Poste l’a montré. On est dans un pays où les partis et les syndicats demeurent relativement faibles. Le référendum peut être un moyen de désamorcer certains conflits sociaux et apporter des réponses.

Le référendum d’initiative populaire va bientôt voir le jour en France. Mais pour avoir lieu, il nécessite un appui de 4,5 millions d’électeurs. Est-ce vraiment un progrès ?

Non, il faut aller plus loin. Baisser le seuil à 1 million de signatures serait une bonne chose. Pour autant, il faut saluer cette avancée démocratique. Ce quinquennat a vu aussi émerger la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Ce sont des contrepoids, qui peuvent forcer les partis à agir.

Comment faudrait-il réformer la pratique du référendum en France ?

Il faut l’encadrer davantage et l’accompagner d’un engagement citoyen. Je pense que l’on pourrait s’inspirer des référendums locaux en Allemagne. Ils ne tiennent pas seulement compte du taux de participation mais aussi du taux d’approbation. Par exemple, à la question « Acceptez-vous ce projet d’aménagement de telle route ? », on a un taux de participation de 40%. Sur ces 40%, 90% répondent oui et 10% non. En France, on tient seulement compte du résultat. Alors qu’en Allemagne, on calcule aussi la représentativité. C’est-à-dire qu’en ramenant les 90% à 40%, on arrive à 30% ou 35%. Pour que le référendum soit valide, il faut un taux d’approbation minimum de 25% par exemple, selon la collectivité. Cela offre une garantie de sécurité au vote.

A l’inverse de la France, la Suisse organise énormément de référendums et sur des sujets parfois hasardeux, comme celui sur les minarets...

De la Suisse, on ne retient que les exemples négatifs. On oublie qu´en 1988, une initiative populaire demandant l´abrogation du service militaire avait recueilli plus de 30% des suffrages. Bientôt, ils vont se prononcer sur la gouvernance des régies publiques (transports, hôpitaux...). Les dérives dépendent du contexte politique. En ce moment, l’extrême droite est en tête : c’est pourquoi certaines questions comme celle des minarets sont mal venues. Sans ce type de référendum, on verrait de toute façon surgir ces mêmes thèmes populistes au Parlement.

Presque tous les candidats à la présidentielle inscrivent le référendum dans leurs programmes, sous différentes formes [1]. Est-ce une stratégie de campagne ?

Oui, l’élection présidentielle est le moment où les politiques en parlent le plus. C’est un bon moyen de signifier aux citoyens qu’ils sont à leur écoute. La promesse référendaire permet aux candidats d’adopter une stature de gouvernant responsable. Tous les partis y sont attachés, pour différentes raisons. Pour la droite, c’est une façon de reprendre l’héritage gaulliste. Ségolène Royal, avec son idée de démocratie participative avait aussi instrumentalisé cette question en 2007. Quant aux Verts, ils l’ont toujours intégré dans leur projet. Mais la promesse n’est pas toujours tenue, c’est dommage. Dans sa campagne en 1995, Jacques Chirac s’était engagé à organiser une consultation populaire pour réformer l’école et la Constitution. Il ne s’y est pas tenu, sauf pour le passage du septennat au quinquennat.

Dans le cas de Nicolas Sarkozy, il s’agit d’un sacré revirement... En 2005, il était acerbe envers Jacques Chirac, qui soumettait le traité de Constitution européenne au référendum. En 2007, il lançait, lors de sa première campagne : « Croyez-vous que, si je suis élu, je vais aussitôt dire aux Français : Excusez-moi, j’ai besoin de vous demander votre avis sur un autre sujet ? » ...

On est en situation de crise, il doit faire face à un climat de méfiance. Il envoie un signal fort à l’électorat qu’il a perdu et cherche à le remobiliser. Mais dans le jeu électoral, il est dangereux d’avoir une position changeante sur le référendum. D’autant que ces sujets à propos des chômeurs et des étrangers sont mal choisis. Le vote pourrait cliver la population.


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