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« Il faut donner envie d’environnement, ce qu’Eva Joly ne sait pas faire »
jeudi, 23 février 2012 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Candidate pour la seconde fois à la présidentielle, l’ancienne ministre de l’Environnement et avocate Corinne Lepage se pose en alternative à Eva Joly.

Pourquoi un électeur voterait-il pour vous au premier tour ?

Parce que je propose un projet qui lie totalement les questions sociales, écologiques et économiques. Il est donc cohérent, mais aussi sérieux et crédible puisqu’il permet également de réduire les déficits, ce qui est aujourd’hui impératif. Il se projette dans le long terme en proposant des solutions concrètes et immédiates.

Quelle serait la première de vos mesures si vous étiez élue ?

J’ai listé 69 mesures prioritaires que je propose aux électeurs de consulter sur mon site internet. La première est le plan « SOLEIL » (Solution énergie investissement long terme), qui est un programme destiné à financer la transition énergétique et la troisième Révolution industrielle qu’a posée sur le papier Jérémy Rifkin. Dans le même temps, je propose la réduction immédiate des rémunérations du président de la République, des ministres et des secrétaires d’Etat, par souci d’exemplarité.

Vous pensez donc que l’on peut à la fois financer cette transition et réduire les déficits ?

Tout est chiffré dans mon programme.. Nous y expliquons clairement comment réduire les dépenses fiscales (niches fiscales et exemptions d’impots, ndlr) de 36 milliards d’euros, diminuer les dépenses budgétaires de 33 milliards, et augmenter les recettes fiscales (impôts, ndlr) de 17 milliards d’euros à horizon 2017. D’autres financements peuvent être fournis par la suppression des crédits aux hydrocarbures ou l’augmentation du plafond du LDD (livret de développement durable). Tout cela doit permettre une augmentation des dépenses de 15 milliards d’euros. En clair, l’intégralité de mon programme explique comment on opère les transitions et comment on les finance. Mon programme est global, mais sa philosophie est qu’au bout du chemin on se sera attaqué aux crises économique, financière et environnementale.

La France compte 8 millions de personnes en situation de pauvreté. Comment peuvent-elles traverser la transition que vous souhaitez ?

Ce programme ne résout pas directement le problème de la pauvreté, soyons clair et honnête. Mais il nous amène vers plus de justice sociale avec la hausse de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, la taxe sur les transactions financières ou la fiscalité verte. De plus, la suppression de certaines subventions, comme celles sur les énergies fossiles, sera compensée avec un « chèque vert » de 5 milliards d’euros. Par ailleurs, je défends des mesures concrètes sur l’emploi, la solidarité ou la santé, à commencer par une mutuelle pour tous ou la reconquête de terrains pour construire 500 000 logements par an.

Comment expliquez-vous que l’écologie soit la grande absente de la campagne ?

Il y a d’abord ce que j’appelle le bourrage de crâne. Les Français, parce qu’ils regardent la télé ou lisent le journal, ont dans la tête ce dont on leur parle, c’est-à-dire la crise et le chômage qui les frappent. Mais l’écologie est une solution, pas un problème et cette manière de voir n’est jamais présentée. L’idée de produire local, qui est un axe fort de mon programme, est par exemple une solution pour l’environnement et pour l’emploi. Je ne parle pas de produire français, qui est une idée inepte, mais d’adapter le lieu de production au lieu de consommation. On peut aussi défendre la fabrication de produits en Europe, comme l’acier, si c’est positif pour l’emploi et l’environnement.

Deuxièmement, la campagne d’Eva Joly est absolument catastrophique. C’est la seule qui a été invitée à s’exprimer sur l’écologie jusque-là puisque je n’ai pas eu le droit à l’existence dans les médias avant ces derniers jours. Eva Joly est une femme qui a une grande respectabilité sur les questions de justice mais qui n’a pas de crédibilité sur l’écologie, puisqu’elle ne la connaît pas. Elle en parle en apprenant des fiches et ne peut donc pas convaincre. Il faut défendre, donner envie d’environnement, ce qu’Eva Joly ne sait pas faire. Voilà pourquoi j’estime que l’environnement a besoin d’un avocat et pas d’un juge dans cette campagne.

Après des échanges houleux, vous proposez une confrontation télévisée face à elle. Cela veut dire que vos familles politiques ne peuvent que s’affronter, et non se rencontrer ?

Je répète que, de mon côté, je n’ai eu aucun échange houleux. Et pour moi, un débat n’est pas une confrontation. Je participe à des tas de débats qui sont très constructifs. Je propose de confronter nos propositions, de constater ce qui est commun ou différent, pour construire et ne pas rentrer dans une course à la petite phrase. Mais elle refuse.

La situation aurait-elle été différente si le candidat d’EELV (Europe Ecologie - Les Verts) avait été Nicolas Hulot ?

Oui bien sûr, évidemment. D’abord, parce qu’avec Hulot, l’accord entre EELV et le Parti socialiste aurait été complétement différent. Hulot représente une écologie beaucoup moins extrémiste que celle à laquelle joue Eva Joly. Je dis qu’elle joue car il faut rappeler qu’elle a d’abord frappé à la porte du Modem avant de rejoindre EELV et d’adopter sa posture d’extrême gauche. Mais son attitude lui a fait perdre les électeurs de 2009, ceux venus avec la dynamique lancée par Cohn-Bendit. Les électeurs d’extrême gauche, eux, sont partis vers Jean-Luc Mélenchon. Ne reste que le socle des anciens Verts.

Auriez-vous envisagé une alliance avec Nicolas Hulot s’il avait été candidat ?

S’il l’avait souhaité, on en aurait discuté. Mais la question ne s’est de toute façon pas posée.

Pour qui voterez-vous si vous n’êtes pas choisie au soir du premier tour ?

Je ne voterai pas pour Nicolas Sarkozy, je le dis depuis six mois et je le répète.

Ce qui veut dire que vous voterez pour François Hollande ?

Je dis simplement que je ne voterai pas pour Nicolas Sarkozy. On verra le reste au soir du premier tour.

Pourtant vous avez déclaré que vous vous sentiez proche de François Hollande...

On m’a fait dire ça, en me demandant s’il y avait des incompatibilités entre nous. Tout cela, c’est de l’interprétation journalistique. Je suis dans ma campagne, je n’ai signé d’accord avec personne.

Avez-vous obtenu vos 500 signatures ?

Pas encore à ce jour. J’en ai recueilli entre 430 et 440, j’en ramène tous les jours. J’espère que cela va marcher mais c’est très difficile car l’immense majorité des élus ne parrainent personne. Sur les 47 000 élus qui peuvent parrainer, seuls 10 000 le font et 8 000 d’entre eux suivent le candidat de leur parti.

Comment vivez-vous cette campagne ? Est-elle difficile ?

Elle est difficile, plus difficile qu’en 2002 mais aussi très violente. Le Président-candidat est tellement violent et tellement clivant qu’il contraint les autres candidats à ne pas pouvoir proposer mais à s’exprimer en permanence sur les idées qu’il lance.

Si l’écologie politique ne peut lancer ses propositions dans le débat, c’est qu’elle n’est pas mûre ?

La tentative de Daniel Cohn-Bendit de créer Europe Ecologie a échoué, puisque c’est l’appareil Vert, dans ce qu’il a de plus sectaire, qui a gagné.




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