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L’irrésisitible avancée des sables bitumineux
jeudi, 23 février 2012 / Matthieu Auzanneau /

Chargé de la prospective et du lobbying au Shift Project, think tank de la transition carbone, et blogueur invité du Monde

Très nocif pour l’environnement, le pétrole lourd canadien est le nouvel eldorado pour les « majors ».

Total, le géant pétrolier français, envisage d’investir 6 milliards d’euros pour accroître sa production de pétrole extrait des sables bitumineux canadiens. L’exploitation de ce pétrole lourd extrêmement polluant nécessite de raser la forêt boréale, et fait du Canada le pays industrialisé dont les émissions de CO2 croissent le plus vite sur Terre. Pourquoi Total veut-il développer encore davantage les sables bitumineux ? Parce qu’il n’a pas le choix.

« Dans le domaine du pétrole et du gaz, on assiste à une maturité croissante des ressources conventionnelles », justifie Jean-Michel Gires, responsable de Total au Canada. Comprenez que les pétroliers ont toutes les peines du monde à faire face au déclin de leurs puits de pétrole « classique » les plus anciens (« matures », disent-ils pudiquement). Alors ce n’est pas ragoûtant, mais Total et les autres géants du pétrole ne peuvent que se tourner vers des hydrocarbures de plus en plus plus coûteux à extraire et nocifs pour l’environnement. Irrémédiablement.

Les lacs artificiels dans lesquels sont stockées les eaux usées issues de l’exploitation du bitume canadien couvrent déjà plus de 40 000 hectares. La principale rivière de l’Etat d’Alberta se charge en plomb, en arsenic et autres joyeusetés. Pourtant, le ministre des Ressources naturelles canadien a affirmé en janvier que ce sont les adversaires des sables bitumineux qui « souillent » la réputation du Canada. Précisons que les sables bitumineux canadiens constituent déjà la première source de carburant des Etats-Unis…

Une directive en suspens

Côté européen, une directive sur les carburants est attendue depuis 2009 pour pénaliser les pétroles les plus polluants, et notamment les sables bitumineux. La Grande-Bretagne, les Pays-Bas et, depuis peu, la France, essayent d’en freiner l’application. Les majors de ces trois pays, BP, Shell et Total sont parmi les plus impliquées dans le pétrole lourd canadien. Faut ce qu’il faut ? —