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Revenu d’existence : « Cette mesure tient la route mais ne verra jamais le jour »
mercredi, 15 février 2012 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Le revenu d’existence est-il une idée utopique ? Non, d’après l’économiste Gérard Cornilleau, même si les changements qu’il implique sont énormes.

Gérard Cornilleau est économiste et directeur adjoint de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), spécialiste du marché du travail et des prestations sociales.

Pensez-vous que la mise en place d’un revenu d’existence soit viable économiquement en France ?

Tout dépend bien sûr du montant de ce revenu. Pour avoir un ordre de grandeur, un revenu universel de 500 euros donné à l’ensemble des majeurs (plus de 18 ans, ndlr) représente environ 300 millions d’euros, soit 15% du PIB. Soit 1% de plus que l’ensemble des retraites versées en France. C’est énorme. Une partie importante peut être financée par le redéploiement d’aides déjà existantes. Mais des calculs plus approfondis montreraient qu’il faudrait également d’autres sources de financement.

Comment financer ces sommes restantes ?

Les bonnes solutions ne seraient sûrement pas la hausse de la TVA, ni l’augmentation de l’impôt sur le revenu qui auraient des conséquences néfastes pour l’économie. Le seul moyen indolore serait d’augmenter les cotisations sociales assises sur le salaire, ce qui entraînerait une baisse du salaire net. Pour beaucoup de Français, on reprendrait avec ces cotisations ce qu’on a donné avec le revenu d’existence. Seuls les plus modestes seraient gagnants, tandis que les plus hauts revenus perdraient au change.

Certains craignent qu’une telle mesure n’incite pas au travail. Qu’en pensez-vous ?

Là encore, tout dépend du montant de ce revenu. Si l’on donne 500 euros, je pense que cette somme est trop faible pour inciter des personnes à quitter leur travail. Au contraire, la mesure est plus incitative que le système actuel. En effet, vous gardez cette aide sans condition, même si vous passez du chômage à un salaire important, alors qu’aujourd’hui la question de la perte de certaines aides peut se poser à la reprise du travail même avec le système du RSA.

Et si l’on donne plus ? 850 euros par exemple ?

Au seuil de 850 euros, des cas de personnes « désincitées » à travailler peuvent se présenter. Mais ces cas ne sont pas dommageables. Les économistes qui ont travaillé sur le sujet montrent que les gens susceptibles de ne plus vouloir travailler sont de toute façon peu productifs. De plus la production en France ne dépend pas de l’offre de travail, car nous comptons déjà beaucoup de demandeurs d’emplois et de temps partiel subis. Sur le plan économique, ce ne serait pas un problème.

Donc cette mesure tient bien la route sur le papier ?

Sur le papier, cette mesure tient tout à fait la route. Mais cette vieille idée ne verra jamais le jour, tant sa mise en place nécessite des changements. Imaginez le nombre de cas pratiques à régler. Je donnerai un seul exemple. On réduirait de 500 euros l’ensemble des retraites (si elles sont supérieures à ce niveau), et on donnerait 500 euros de plus à tous les retraités. Mais du coup, il faudrait également réduire le niveau des cotisations retraites sur les salaires, puisqu’une partie des retraites serait financée par les nouvelles cotisations pour le revenu universel. Il faudrait également revoir l’ensemble des aides sociales dédiées. Je ne pense pas que la mesure suscite assez d’intérêt aujourd’hui pour permettre de tels changements. Il faudrait une période de forte croissance, pour que naissent de tels questionnements sur le partage des profits.

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