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Faut-il un revenu d’existence garanti pour tous ?
mercredi, 15 février 2012 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Assurer à tous une rente mensuelle, tout au long de la vie et avec très peu de conditions. Une utopie ? Non, répondent plusieurs candidats à la présidentielle, et peut-être même Nicolas Sarkozy. Et vous, qu’en pensez-vous ?

Chaque semaine, Terra eco sollicite et questionne ses lecteurs et ses contributeurs sur l’un des grands enjeux de la campagne présidentielle. Après des débats sur Fessenheim et les chômeurs, troisième volet de la série avec le revenu d’existence garanti pour tous.

Nous sommes le 1er janvier 2013. Pour la première fois, votre « allocation universelle » vient de vous être versée. Soit 500 euros que vous touchez en plus de votre salaire, et que pouvez dépenser ou conserver comme vous le souhaitez. Vous n’êtes pas un privilégié : votre tante Roberte, votre petit frère Julien, encore étudiant, ou encore votre grand-père Maurice à la retraite l’ont tous reçu. Avant de vous pincer, lisez ce qui va suivre. L’idée d’une telle allocation universelle, appelée aussi revenu de base, revenu citoyen ou revenu de vie, fait son petit bonhomme de chemin dans la campagne.

Petit retour historique d’abord. La démarche du revenu de base est défendue depuis au moins trente ans à la fois par des membres de l’extrême gauche et par des théoriciens libéraux ou libertaires. Concrètement, tous souhaitent que ce revenu soit versé à chaque citoyen comme minimum vital, ce qui lui laisse le choix d’occuper sa vie comme bon lui semble. Il est versé à tous et donc aussi aux plus riches, pour être totalement égalitaire. Mais comment financer un tel système ? Les défenseurs de l’idée rappellent que l’instauration de ce revenu garanti permettrait de supprimer ou de réduire de nombreuses prestations aujourd’hui versées, comme les aides au logement ou les retraites. Ne resterait à financer que le surplus. Les uns préfèrent une augmentation de la TVA, d’autres des cotisations sociales, d’autres encore de l’impôt sur le revenu. Mais tous assurent que le projet est viable.

Longtemps restée confidentielle, la mesure a gagné l’intérêt de l’opinion publique allemande grâce à la diffusion d’un film, Le revenu de base – Une impulsion culturelle, ( Grundeinkommen – Ein Kulturimpuls) en 2009, à voir ci-dessous.

Les défenseurs de ce revenu de vie s’appuient également sur des expérimentations réussies, comme une initiative locale en Namibie où le taux de pauvreté a baissé, où la consommation a augmenté mais surtout où ce revenu n’a pas favorisé l’oisiveté : « Une femme s’est mise à confectionner des petits pains ; une autre achète désormais du tissu et coud des vêtements ; un homme fabrique des briques. On a vu tout d’un coup une série d’activités économiques apparaître dans ce petit village. Cela montre clairement que le revenu minimum ne rend pas paresseux mais ouvre des perspectives » , indiquait le chercheur Herbert Jauch au quotidien allemand Frankfurter Rundschau en 2010.

Pour plus de précisions, lire notre décryptage sur le sujet par ici.

- POUR : Villepin, Boutin, Joly

Des arguments qui ont convaincu deux des candidats à la présidentielle : Dominique de Villepin (République solidaire) et Christine Boutin (Parti chrétien-démocrate). Avec deux projets distincts.

C’est Christine Boutin qui a lancé la première cette idée en 2003, renouvelée pour cette campagne. La présidente du Parti chrétien-démocrate, qui vient de retirer sa candidature pour se rallier au futur candidat Nicolas Sarkozy, a d’ailleurs assuré que ce dernier lui donnerait la direction d’une mission sur le revenu de base s’il est élu. Cette idée rejoint de près les études de l’universitaire Marc de Basquiat qui a réalisé une thèse sur le sujet et assure qu’une telle allocation serait totalement financable. Le détail de ses calculs est disponible par ici.

Dominique de Villepin a lui lancé son idée de « revenu citoyen », en février 2011. Sur le plateau du journal télévisé de France 2, il évoque « un revenu citoyen de 850 euros qui sera proposé à tout ceux qui vivent dans la difficulté ». Petite précision, Villepin ne vise, lui, pas les moins de 18 ans, ni les plus aisés. Les aides serait dégressives jusqu’à 1 500 euros, comme indiqué ici. Une idée qui serait financée via une hausse de la TVA et un doublement de l’impôt sur les revenus des plus aisés. Le candidat est depuis revenu sur son idée, estimant qu’elle n’était plus viable avec la crise, et souhaite désormais un montant de 500 euros.

Eva Joly (Europe Ecologie - Les Verts) ne s’est pas prononcée tel quel pour un revenu de base, mais propose de garantir « un revenu décent » en augmentant de 50% les minima sociaux et en créant une allocation minimum pour les jeunes. Son programme prévoit également « à terme » « l’instauration d’un Revenu universel, inconditionnel, individuel », qui ferait « rapidement l’objet d’une expérimentation systématique par l’État en lien avec des collectivités territoriales volontaire ».

- Ne se prononcent pas : Sarkozy, Hollande, Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) ne s’est jamais prononcé pour cette mesure. Mais Corinne Morel Darleux, secrétaire national du Parti de Gauche défend vivement cette idée.

Nicolas Sarkozy (Union pour un mouvement populaire) : Lorsque Dominique de Villepin a proposé son revenu citoyen, Nicolas Sarkozy l’a moqué devant les députés UMP à l’Elysée : « Quand un responsable propose un revenu citoyen coûtant 30 milliards (...), il s’est décrédibilisé ». Ce qui lui avait valu une réponse acerbe de l’intéressé. Mais, six mois plus tard, le ralliement de Christine Boutin pourrait – peut-être – changer la donne.

François Hollande (Parti socialiste) : A notre connaissance, le candidat socialiste n’a jamais abordé la question, mais s’est refusé à l’idée d’une « allocation d’autonomie » pour les jeunes.

- CONTRE : Bayrou

Interrogé via Twitter sur la question, François Bayrou (Modem) a répondu « j’ai peur des fausses promesses ». Ce qu’il a confirmé à des étudiants de Sciences-Po Paris en mai dernier : « Faire croire que l’Etat a le pouvoir de donner 850 euros par mois à tout le monde, c’est une illusion, un mensonge. Villepin dit que ça représente 30 milliards. Moi, je considère que ça coûterait au moins 50 milliards par an. Donc on double l’impôt sur le revenu des Français. Je réfute ce genre de facilités. »

Et vous ? Etes-vous favorable à cette idée de revenu inconditionnel garanti ? Le débat est lancé au bas de cet article.