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Et à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent ?
mercredi, 1er février 2012 / Myeurop /

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Nicolas Sarkozy cite souvent le modèle allemand pour justifier ses réformes. Emploi, charges sociales et immobilier... Place au match France-Allemagne.

- « L’Allemagne a moins de 8% de chômage » : FAUX

Nicolas Sarkozy veut prendre exemple sur l’Allemagne qui a « moins de 8% de chômage ». Une embellie de l’emploi outre-Rhin due, notamment, au nombre de jeunes en apprentissage. Le taux de chômage en Allemagne est effectivement inférieur à 8% il s’élevait à 7,8% en décembre dernier, selon les derniers chiffres d’Eurostat, l’office européen des statistiques. Dans le même temps, la France atteint près de 10% de chômage (9,9%), toujours selon Eurostat.

Mais comme l’explique Brigitte Lestrade, professeure de civilisation allemande contemporaine à l’université de Cergy-Pontoise, les réformes mises en place au début des années 2000 pour rendre le marché du travail plus flexible, auraient « fait passer plusieurs millions d’allemands des listes de chômeurs à celles de "quasi-chômeurs" ou travailleurs pauvres ».

La chercheuse, auteure d’une étude sur ces réformes, évalue à 6,6 millions de personnes les bénéficiaires de mini-jobs, ces emplois à temps partiels, exonérés de charges, mis en place par les lois Hartz, votées sous le mandat du chancelier social-démocrate Gerhard Schröder. Ce sont, en fait, des chômeurs, des quasi-chômeurs [qui travaillent moins de 15 heures par semaine], ou des précaires. Les plus touchés sont les familles monoparentales et les seniors.

Les salaires de ces mini-jobs sont plafonnés à 400 euros. Ils complètent généralement d’autres petits boulots. Cela engendre une précarisation des mini-jobbers, nombre d’entre eux conservant longtemps ce statut qui se voulait pourtant transitoire.

Voila qui relativise l’exemplarité du modèle allemand sur le front du chômage. Pour en savoir plus, lire le dossier de Myeurop Le modèle allemand, à quel prix ?.

- « Les charges des salariés français sont deux fois plus élevées que celles des salariés allemands » : TRES FAUX

C’est exactement l’inverse. Selon le Trésor, qui se réfère aux « législations nationales », en 2011 et hors CSG et CRDS qui représentent 7,76% du salaire brut, le taux de cotisations sociales à la charge du salarié en France est de 13,7% et en Allemagne de 20,88%.

De plus, les baisses de cotisations sociales annoncées dimanche 29 janvier par le président de la République diffèrent sensiblement de celles qui ont été décidées en Allemagne en décembre 2005 et mises en application en janvier 2007.

En ce qui concerne leur ampleur, la baisse des cotisations d’allocations familiales (qui représentent actuellement, au taux plein, 5,4% du salaire brut) annoncée en France est plus conséquente : elle allège de 9,5% les charges sociales globales et de 11,8% les seules charges patronales.

En Allemagne, la baisse de 2 points des cotisations chômage (de 6,5% à 4,5%) mise en œuvre en 2007 a eu pour effet de faire baisser de 4,4% les charges globales (4,6% pour les charges patronales).

Mais attention, depuis 2007, l’amélioration sur le front de l’emploi a conduit en Allemagne à de nouvelles baisses de charges, les cotisations chômage ne représentant plus que 3% du salaire brut. Donc, depuis quatre ans, les charges ont diminué en Allemagne d’environ 8%. Cela dit, les charges pesant en France sur les bas salaires sont déjà allégées. La mesure annoncée par Nicolas Sarkozy lors de son allocution télévisée est significative pour les salaires inférieurs à 1,6 Smic : environ 20%.

La grosse différence est que la baisse des charges annoncée en France porte uniquement sur les cotisations patronales. En Allemagne au contraire, les baisses portent à parts égales sur les charges patronales et les charges salariales. Ce qui veut dire que les employeurs allemands ont bénéficié en quatre ans d’allègements de charge, inférieurs à ce dont pourraient bénéficier leurs homologues français.

En revanche, contrairement à la France, les salariés d’outre-Rhin ont vu mécaniquement augmenter leur salaire net ce qui, au passage, a permis de faire plus facilement passer la pilule de la hausse de la TVA.

- « Le prix de l’immobilier baisse dans les pays en crise sauf en France » : PRESQUE VRAI

Le président de la République a eu raison de souligner que les prix continuaient de monter en France contrairement à ce qui se passe ailleurs, notamment en Allemagne. De fait, entre 1995 et 2010, le prix moyen de l’immobilier s’est accru de 60% outre-Rhin contre 170% en France.

Pour des raisons spéculatives, il avait augmenté encore plus au Royaume-Uni et en Espagne jusqu’en 2008. Depuis, le marasme persiste en Espagne tandis que les prix au Royaume-Uni se sont stabilisés - à un niveau élevé toutefois.

Les causes de cette divergence sont structurelles. En Allemagne, il n’y a guère de tension entre l’offre et la demande en matière d’achat de logement. D’une part, une majorité des Allemands préfère louer, ce qui limite la demande d’achat. D’autre part, la démographie y est déclinante, contrairement à celle de la France qui a accumulé depuis longtemps un retard en matière de construction.

Mais le marché immobilier allemand est loin d’être uniforme. Dans certaines villes ou régions, les prix flambent. Un seul exemple : le prix moyen du mètre carré à Munich, ville particulièrement prospère, a augmenté de 5,8% en un an. Mais certains quartiers comme Maxvorstadt (+ 34,8%), Milbertshofen (+23,3%) et Sendling (+21,1%) ont enregistré une véritable envolée ces douze derniers mois.

Cet article a initialement été publié le lundi 30 janvier sur le site de Myeurop.


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