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La patate à tout bout de champs
jeudi, 4 décembre 2008
/ Cécile Cazenave
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/ Agence REA
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Poussant sous n’importe quelle latitude, la pomme de terre est annoncée comme la pépite alimentaire de demain. Depuis 2005, les pays en développement en produisent plus que les pays industrialisés.
Yaïguéré Tembély, dite Fifi, a la frite. Cette agronome de la région de Mopti (Mali), en manque de terres cultivables, a trouvé son or noir : la pomme de terre. En 1999, l’association Agro sans frontière avait déposé 10 caisses de 25 kg de plants de tubercules dans son association de femmes, Ya-g-tu. Aujourd’hui, dix ans après, Fifi et ses dames commandent un millier de caisses à l’entreprise bretonne Germicopa. De quoi planter de la patate dans 310 villages de la zone et faire vivre près de 45 000 personnes.
L’opération est rentable : une seule caisse de plants achetée 18 000 francs CFA (environ 30 euros) génère une récolte qui rapportera jusqu’à cinq fois plus. « Au début, les hommes pensaient que cette histoire de pommes de terre allait “faire tourner” la tête de leur femme. Mais quand ils ont vu qu’ils pouvaient manger de la viande une fois par semaine au lieu d’une fois par mois, ils ont changé d’avis ! », souligne avec malice Yaïguéré Tembély. Les revenus tirés de la pomme de terre ont permis de développer un planning familial régional et un programme de lutte contre l’excision. Mais avant tout, les dames de Fifi ont chassé la faim de Mopti.
Certains, comme la Chine, ne s’y sont pas trompés. Le géant asiatique en met chaque année sur les étals 70 millions de tonnes, soit un peu moins de 20 % du tonnage mondial. Pékin a même interdit l’utilisation du tubercule pour la fabrication de biocarburant. Globalement, la production des pays en développement a augmenté de moitié en dix ans. En Afrique subsaharienne, la surface de récolte a presque doublé sur la période. Mais alors que la consommation moyenne en Europe de l’Ouest atteint 75 kg par an et par habitant, les Indiens eux se contentent de 17 kg. En clair, il n’y a pas encore assez de pommes de terre pour tout le monde.
En sacs à pommes de terre de terre bien entendu. « Ces ravageurs n’ont pas d’ennemis naturels là où ils arrivent », explique Jean- François Silvain, chercheur à l’Institut de recherche et développement. D’après Olivier Dangles, son collègue, qui travaille sur le terrain, ce prédateur a engendré plus de 250 000 dollars (195 000 euros) de pertes et menace la sécurité alimentaire de dizaines de milliers de petits paysans.
Pour le scientifique, « conserver la biodiversité de la culture est essentiel pour augmenter la capacité de résistance des paysans aux aléas ». En multipliant les variétés cultivées, certaines d’entre elles feront (peut-être) obstacle aux fléaux à venir et permettront du coup aux paysans de rester indépendants vis-à-vis du marché.
« En Afrique, avec de bonnes semences, on peut passer de 5 à 30 tonnes par hectare. Mais pour l’instant, ces semences restent la propriété des pays du Nord », insiste Bernard Jouan, président d’Agro sans frontière. En Europe, les scientifiques travaillent depuis des décennies à la production de plants de patates sains et résistants. L’année dernière, notre continent a ainsi exporté 998 000 tonnes de plants. Et il n’existe, en Afrique sahélienne, aucune organisation de production et de multiplication de semences. Fifi rêve de mener sa propre recherche agronomique en produisant et multipliant in vitro. Elle souhaite ainsi créer une patate adaptée au plateau dogon. Mais à 50 millions de francs CFA (75 000 euros), l’investissement est trop lourd. Et sans aide, difficile de créer la « Belle du Mali ». —
La plus grande banque du monde au Pérou
L’Irlande a expérimenté le pire scenario, car elle ne disposait que de quelques variétés de pommes de terre. Quand le mildiou détruisit la récolte de 1845-1846, un million de personnes moururent de faim. A Lima, au Pérou, le Centre international de la pomme de terre, fondé en 1971, s’est donné pour mission de sauvegarder la biodiversité. La plus grande banque génétique du monde y rassemble 5 000 variétés de pommes de terre, dont plusieurs centaines d’espèces sauvages andines. « C’est un bien commun, à la disposition des scientifiques du monde entier », rappelle Ruth Egger, sa présidente.
Le site de l’Année internationale de la pomme de terre
Le Centre international de la pomme de terre au Pérou (anglais et espagnol)
Le comité national interprofessionnel
La Direction du développement et de la coopération suisse (rubrique « dossiers »)
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