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L’économie à sang froid
jeudi, 4 décembre 2008 / Arnaud Gonzague

Alexandre Delaigue et Stéphane Ménia – SEXE, DROGUE… ET ECONOMIE : PAS DE SUJET TABOU POUR LES ECONOMISTES !, Pearson (2008), 282 pp., 19 euros.

On repense à ces trucs bidons, vous savez, ces lunettes à rayons X qui permettent de voir les gens tout nus sous leurs habits. C’est un peu ça l’économie : voir la vérité toute crue derrière le vernis des apparences. Car s’il est une chose que l’on comprend grâce à ce livre délicieux qu’est Sexe, drogue… et économie et à ses deux malicieux auteurs, c’est que l’économiste est un animal à sang froid et que c’est son inestimable qualité dans notre monde en surchauffe. Aucune morale, aucun principe, aucun scrupule n’arrête l’homme de calcul.

Sa méticulosité froide le pousse à poser des questions jugées farfelues, voire carrément idiotes, par n’importe quel gentleman. Par exemple : et si le sida avait eu pour conséquence d’augmenter la pratique de la fellation chez les adolescents, car le préservatif coûte de l’argent ? N’importe quoi, s’offusque-t-on. Sauf que c’est la vérité… Autre question abracadabrante : et si ce qui expliquait le mieux la baisse de la délinquance dans la société occidentale était l’avortement ?

En effet, les enfants non désirés étant ceux qui, statistiquement tournent le plus mal, le fait qu’ils passent plus souvent à l’as devrait expliquer la chute des incivilités. Gloussements. Sauf que là encore, c’est exact.

L’économie, science humaine si peu humaine, nous en apprend encore d’autres – et des salées : que les clientes attendent plus longtemps d’être servies que les clients dans les cafés (où va se nicher le sexisme…) ; que la polygamie, si elle était pratiquée en Occident, serait une terrible nouvelle pour les mâles (explications dans le premier chapitre du livre, le plus remarquable) ; que l’Organisation mondiale du commerce n’a pas accru d’un iota les échanges commerciaux ; qu’on a moins de risques de casser sa pipe dans le « couloir de la mort » des prisons américaines que dans bien des rues du pays ; qu’interdire la cigarette dans les cafés ne sauvera pas forcément des vies. Bref, que tout ce qui paraît avéré, moral ou tombant sous le sens, ne correspond pas forcément à la rugueuse réalité.

« Que serions-nous sans le secours des choses qui n’existent pas ? » demande le poète. Réponse : des sacrées pointures en économie ! —


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