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A chacun son triple A
jeudi, 26 janvier 2012 / Walter Bouvais /

Cofondateur et directeur de la publication du magazine Terra eco et du quotidien électronique Terraeco.net

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Pendant des années, nous avons vécu avec un triple A sans le savoir. Sans nier les difficultés auxquelles la dégradation de la note de la dette française renvoie, ni la cascade de conséquences qu’elle provoque, prendre un peu de distance par rapport aux événements ne peut faire de mal à personne. Notre situation financière est aujourd’hui délicate. Soit. Mais avons-nous pris les bonnes décisions après la crise des subprimes de 2007-2008 ? Aux Etats-Unis comme en Europe, les gouvernements ont parié sur une relance massive de l’économie, appuyée sur des décisions brouillonnes et absurdes. Un exemple en France : la prime à la casse automobile, destinée à relancer artificiellement un marché, par ailleurs inadapté aux besoins nouveaux des citoyens. Nous voici donc début 2012. Les constructeurs ont encaissé leur chèque. La voiture à faible consommation de carburant et/ou électrique est toujours aux abonnés absents.

Le prix de l’essence grimpe et risque d’étrangler un peu plus celles et ceux qui travaillent pour financer l’automobile, dont ils ont besoin pour aller… au travail. Certes, on a soutenu artificiellement l’emploi dans le secteur automobile, déjà réputé pour ses plans de départs en retraite massifs financés par nos impôts. Mais nous voici de retour à la case départ, les poches vides. Nous pourrions dresser une liste des absurdités de cet acabit : elle est longue comme un jour sans pain. La recette est toujours la même. Dans un premier temps, on jette l’argent par les fenêtres en adoptant une mesure archaïque sous la pression d’un lobby quelconque. Dans un second temps, on finance cette erreur en endettant davantage les générations futures… et en pariant sur une illusoire croissance quantitative, par ailleurs fortement consommatrice de ressources naturelles. Résultat : nous accumulons une dette financière, doublée d’une dette écologique, toutes deux insoutenables.

Se mettre, enfin, autour de la table

Alors, que faire ? Lorgner ce qu’il reste de revenus aux plus défavorisés en imaginant leur sucrer telle ou telle aide ? Les faire travailler encore plus pour gagner encore moins ? Ou se mettre autour de la table pour, enfin, réfléchir à un avenir soutenable qui ne se ferait au détriment ni de la planète, ni de la cohésion sociale, les deux étant intimement mêlés (1) ? La France et le monde ont besoin d’un triple A de l’audace et de davantage de justice sociale. Cela passe par une refonte totale de notre modèle de société, et notamment de notre rapport à notre consommation de ressources naturelles, à notre richesse, à la solidarité, à l’impôt. —

(1) (Re)lire le brillant essai d’Eloi Laurent : Social-écologie (Flammarion, 2011).