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L’avenir de New York se fera-t-il sans nucléaire ?
mardi, 17 janvier 2012 / Alice Bomboy /

Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

La ville reste très dépendante de l’atome, produite par la centrale d’Indian Point. Devant le risque d’accident, les autorités s’interrogent : A-t-elle des solutions de recours ?

La question agite les débats des séances législatives de la ville de New York : l’avenir de la Grosse Pomme se fera-t-il sans nucléaire ? Le gouverneur Andrew M. Cuomo affiche fermement son attention de prendre cette voie. Son argument ? A l’aube du premier anniversaire du tristement célèbre accident de Fukushima, un cataclysme similaire aux portes de la mégapole américaine inquiète. Mais dans cette affaire, le bon sens se heurte à d’autres enjeux, économiques ceux-là.

Double zone sismique et centrale nucléaire

Au cœur des discussions, la centrale d’Indian Point qui, du haut de ses réacteurs, domine la ville de Buchanan, à 38 kilomètres au nord de New York City. Entergy Corporation, la compagnie assurant son exploitation, affirme que l’installation n’a aucune chance de subir le sort des réacteurs japonais. Mais une étude publiée en 2008 par le Lamont-Doherty Earch Observatory de l’Université de Columbia ne se veut pas aussi rassurante : la centrale serait en effet construite sur une intersection jusque-là non identifiée de deux zones sismiques actives. L’argument scientifique va dans le sens du discours martelé par le gouverneur Cuomo : Indian Point doit fermer car elle menace directement une zone trop densément peuplée (près de 6 730 habitants/km2 à New York) pour espérer pouvoir évacuer la population en cas d’accident.

Problème : la centrale produit aujourd’hui quelque 2 000 mégawatts et fournit ainsi plus de 25% de l’énergie de la ville de New York et du Comté de Westchester. Deuxième problème : cette énergie nucléaire est bon marché.

Le hic des centrales à gaz

La ville pourrait-elle se passer de cette ressource énergétique à bas prix et assurant une large couverture des besoins énergétiques locaux ? Ceux qui y répondent « oui » ne manquent pas d’idées. Entre autres solutions alternatives, le développement de centrales à gaz. Ces installations, en quelques années, sont devenues très rentables, notamment du fait du prix du gaz : en 2008, son prix est passé aux Etats-Unis de 12 dollars le Decatherm (1) à 3 dollars actuellement (9,42 à 2,35 euros), rendant le gaz compétitif avec l’énergie nucléaire. La ville soutient ainsi l’amélioration ou la construction de plusieurs centrales à gaz locales, notamment dans le Queens. Cette perspective fait cependant grincer les dents parmi certains groupes environnementalistes, comme l’African american environnementalist association. Motif de leur courroux : ce sont les communautés les plus défavorisées, vivant dans des quartiers comme Harlem, qui vont payer le prix de la construction de nouvelles centrales à gaz à New York, via leurs émissions polluantes.

A l’opposé de cette source d’énergie conventionnelle, des solutions plus vertes. L’état dispose en effet de nombreuses ressources hydroélectriques et de fermes éoliennes, installées au nord de l’Etat, voire même en provenance du Canada. Mais cette énergie là peine à arriver jusqu’à la mégapole, les réseaux l’acheminant étant victimes d’un embouteillage chronique. Les troupes du gouverneur Cuomo soutiennent le déploiement d’une ligne électrique connectant la ville de New York au New Jersey, l’Etat voisin, d’où 660 mégawatts pourront transiter pour approvisionner Manhattan. Des projets utilisant l’énergie des marées sont aussi dans les cartons.

Eolien, énergie des marées : pas encore prêts

Cela sera-t-il suffisant ? Une certitude : ces alternatives ne sont aujourd’hui pas encore prêtes à remplacer l’option nucléaire. Pour voir la fermeture prochaine des réacteurs d’Indian Point, il faudra pourtant qu’elles aient fait leurs preuves d’ici 2013 et 2015 : ces années-là, devraient successivement s’arrêter deux réacteurs de la centrale. Mais l’exploitant a d’ores et déjà déposé une demande pour prolonger leur exploitation vingt années supplémentaires.

(1) 1 Decatherm = 1 000 pieds cube = 28 mètres cube