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Nucléaire : la Cour des comptes dénonce un grand flou sur les coûts
jeudi, 12 janvier 2012 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Le rapport de la Cour des comptes sur la filière nucléaire, qui doit paraître à la fin du mois, pourrait remettre en cause son modèle économique. Et « jeter le trouble dans la campagne ».

« Des incertitudes importantes » demeurent sur le coût de l’énergie nucléaire. Voilà la conclusion de la Cour des comptes, qui a travaillé sur le sujet pendant huit mois, selon une version « non définitive » du rapport qu’a pu consulter le quotidien La Tribune.

La Cour des comptes a estimé avec précision combien la construction du parc nucléaire a coûté. Bilan : 96 milliards d’euros, « soit 1,5 milliard le mégawatt (MW) installé, contre 3,7 milliards le MW pour l’EPR », souligne La Tribune. L’ensemble des dépenses en nucléaire civil (construction, exploitation mais aussi recherche, usines d’Areva, réacteurs arrêtés) s’élèvent à 227,8 milliards d’euros.

Quel coût pour le service après-vente ?

Mais personne n’a chiffré pour l’instant combien coûtera le service après-vente du nucléaire. C’est là que la Cour des comptes dénonce un flou.

- Première incertitude visée : le coût du démantèlement des centrales. La Cour donne une estimation de 22,2 milliards d’euros. Mais alerte immédiatement : ces chiffres « doivent être regardés avec précaution, l’expérience en la matière, tant d’EDF [centrales de première génération] que du CEA (commissariat à l’énergie atomique, ndlr) ou d’Areva, ayant montré que les devis ont très généralement tendance à augmenter quand les opérations se précisent, d’autant plus que les comparaisons internationales donnent des résultats très généralement supérieurs aux estimations d’EDF ».

- Des questions demeurent également sur le recyclage des déchets de longue durée. Selon la Cour des comptes, les provisions (c’est-à-dire les sommes que préserve une entreprise dans ses comptes pour anticiper des dépenses futures) seraient basées sur un rapport de l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets) datant de 2003. Un rapport dont les conclusions semblent dépassées.

Pire, la Cour des comptes estime qu’un autre scénario devrait être envisagé pour la gestion des déchets. Celui qui verrait les combustibles usés, retraités, ne pouvant être exploités une seconde fois, contrairement à ce qu’espèrent les entreprises du secteur. Il faudrait alors stocker en très grande profondeur ces déchets hautement dangereux. « Le mythe du recyclage continue de s’effondrer », n’hésite pas à s’alarmer La Tribune.

- Reste également à chiffrer le coût des travaux à réaliser pour mettre le parc français aux normes qui s’imposent après l’accident de Fukushima. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a rendu un rapport à ce sujet la semaine dernière. Trop tard pour être pris en compte par la Cour des comptes. N’empêche, André-Claude Lacoste, président de l’ASN, aurait affirmé, toujours selon La Tribune, que le chiffre avancé par EDF, à savoir 10 milliards d’euros lui semblent « un peu optimiste ».

Rappelons que le manque de transparence sur le coût de la filière est l’un des principaux arguments des anti-nucléaires, qui réclament un audit depuis plusieurs années. C’est aussi la conclusion de la Cour des comptes qui « confirme la nécessité et l’urgence de faire réaliser (...) des audits techniques par des cabinets et des experts extérieurs ». Après des semaines d’étranges discours et de calculs bidons sur le sujet, le rapport que rendra la Cour des comptes ce 31 janvier pourrait bien « jeter le trouble dans la campagne » assure La Tribune.

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