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« Ces techniques ne résoudront pas le réchauffement climatique »
jeudi, 30 octobre 2008 / Denis Delbecq , / Agence REA

Rajendra Pachauri, président du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec), rappelle qu’un changement des modes de vie doit accompagner les progrès technologiques.

Agé de 67 ans, le chercheur indien Rajendra Pachauri a entamé en septembre un nouveau mandat de six ans à la tête du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec), qu’il préside depuis 2002. Le dernier rapport de l’organisme scientifique de l’ONU avait une nouvelle fois, en 2007, alerté sur les conséquences du réchauffement climatique. Rajendra Pachauri, qui a partagé – comme tous les membres du Giec – le prix Nobel de la Paix avec Al Gore en 2007, livre à Terra Economica sa vision de la recherche sur les manipulations du climat.

Alors que les émissions de gaz à effet de serre poursuivent leur envolée, pensez-vous utile – voire nécessaire – de mettre en oeuvre les techniques de géoingénierie pour atténuer le réchauffement de la planète ?

Rajendra Pachauri : Je ne suis pas vraiment convaincu que les techniques de géoingénierie soient justifiées. Nous ne les avons pas testées et nous n’avons pas évalué leur effet à long terme ni leur impact sur l’environnement et les écosystèmes. Je pense que, dans l’immédiat, nous devons vraiment faire porter nos efforts sur la réduction des émissions des gaz qui réchauffent la planète, et prendre des mesures vigoureuses pour modérer le phénomène.

Pensez-vous que l’intervention directe sur le climat puisse jouer un rôle de « police d’assurance », au risque de retarder les politiques de lutte contre le réchauffement ?

Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une police d’assurance. Je n’ai rien contre la recherche en géoingénierie, mais elle ne doit pas être conduite au détriment d’une politique appropriée de prévention du réchauffement. Nous devons prendre rapidement des mesures politiques fortes pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

La séquestration du gaz carbonique, qui permettrait par exemple de développer l’usage du charbon sans réchauffer la planète, ne serait-elle pas un autre moyen de prévenir le risque ?

Le Giec a préparé un rapport spécifique sur les méthodes de capture et de séquestration du carbone. Il démontre que nous ne sommes pas encore capables de séquestrer le gaz carbonique à grande échelle et de manière économiquement viable. Je crois que nous avons besoin d’approfondir la recherche et le développement pour pouvoir espérer rendre la séquestration plus attractive que les mesures de prévention.

Comment voyez-vous les tentatives de modification locale du climat, par exemple pour empêcher la formation de cyclones ou pour renforcer les pluies dans les zones sèches ? Peut-on agir directement sur le climat et la physique, la chimie de l’océan et de l’atmosphère, des phénomènes encore mal connus ?

Ces efforts de modification à l’échelle locale ne m’impressionnent pas beaucoup. Je ne crois pas qu’ils puissent être une solution face à la menace du réchauffement climatique global. Une chose est sûre, on ne peut prétendre transformer sans risque ce qu’on ne comprend pas. Comme je le disais tout à l’heure, je n’ai rien contre une recherche de faible envergure sur l’ingénierie du climat. Mais rien ne devrait être tenté à une grande échelle sur la base de nos connaissances actuelles.

Pensez-vous qu’il faut encadrer ces recherches, par l’intermédiaire d’une autorité internationale, pour empêcher que des « aventuriers » agissent sans se soucier des conséquences de leurs actes, uniquement pour encaisser l’argent des permis d’émission de gaz carbonique ?

Nous avons certainement besoin de réguler les techniques d’ingénierie du climat. Mais je ne vois pas comment des hommes d’affaires peu scrupuleux pourraient tirer du profit tant que ces recherches n’ont pas encore été validées comme un moyen acceptable d’atténuer le réchauffement climatique. Il y a peu de risque que des entreprises se lancent dans ce genre d’actions avant qu’elles soient approuvées par les conventions internationales.

Le Giec, que vous présidez, peut-il être ce régulateur ?

Je ne pense pas que le Giec doive assumer ce rôle. Nous sommes une organisation scientifique chargée d’évaluer tous les aspects du réchauffement climatique. Ce n’est pas au Giec de décider ce qui est bon ou pas. L’encadrement de l’ingénierie du climat doit se faire sous l’autorité de la conventioncadre des Nations unies sur le réchauffement et de la conférence qui réunit ses Etats-membres.

La technologie est parfois présentée comme le principal outil pour combattre le réchauffement de la planète. La science nous protégera-t-elle toujours des effets de notre appétit de consommation ?

Je reste sceptique quant à l’idée qu’on puisse un jour accepter des mesures de modification du climat. J’ai l’impression que nous n’avons pas d’autre choix que de nous assurer que nos émissions de gaz à effet de serre baissent. Et pour cela, nous devons impérativement combiner le progrès technologique et un changement de nos modes de vie. A ce jour, rien d’autre ne me paraît efficace ou scientifiquement approprié. —

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