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Fukushima : un journaliste-ouvrier a filmé le quotidien de la centrale
mercredi, 21 décembre 2011 / Marie Molinario

Un journaliste japonais a vécu pendant un mois avec des ouvriers de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi et en a rapporté des images inédites. Selon lui, « aucun progrès n’a été réalisé » depuis la catastrophe.

Au cœur de Fukushima. C’est avec une mini caméra cachée que le journaliste japonais Tomohiko Suzuki a tourné des images dans la centrale nucléaire. Cet été, il avait réussi à être embauché par un sous-traitant comme ouvrier sur le site. Il vient de dévoiler sa vidéo.

Le premier constat est sans appel : « Aucun progrès n’a été réalisé », clame t-il. Selon lui, seuls des travaux de façades auraient été effectués. Il ajoute que les deux constructeurs, Toshiba et Hitachi, se font concurrence et se cachent des informations, empêchant d’avancer correctement. Sur place, le journaliste a constaté les problèmes : l’eau contaminée utilisée pour le refroidissement des réacteurs s’entasse dans des citernes, les coriums des réacteurs 1, 2 et 3 ne seraient pas localisés et certains tuyaux utilisés dans l’urgence seraient de mauvaise qualité.

Les ouvriers dépassent le temps limite

Quand aux conditions de travail, elles seraient accablantes. Au moment de la catastrophe, dans la panique, les travailleurs ont été extrêmement exposés aux radiations. Le journaliste affirme d’ailleurs qu’il n’y a aucun moyen de retrouver les personnes qui étaient sur place en mars-avril. Les ouvriers dépassent le temps limite d’exposition pour pouvoir finir leur travail et certains ne prennent même pas avec eux leur dosimètre, petit appareil permettant de mesurer la dose radioactive reçue.

Les travailleurs, dont le nombre de malades n’est pas connu, s’évanouissent souvent. Enfin, selon Tomohiko Suzuki, les traitements donnés pour irradiation ne seraient pas suffisants.

Découvrez les images tournées en caméra cachée (les commentaires sont en japonais) :

Tomohiko Suzuki, qui vient de publier un livre intitulé Le pouvoir des Yakusas dans le nucléaire, révèle également que les Yakuzas, l’organisation criminelle sans doute la plus grande au monde, seraient très impliqués dans l’industrie nucléaire. Le journaliste estime en effet qu’au moins 10% des ouvriers seraient recrutés par leur biais, ce qui leur permettrait de récupérer une partie du salaire.

Lors de son faux job (manutention et travaux d’entretien) au cœur de la centrale, Tomohiko Suzuki a été payé entre 147 euros et 197 euros par jour, soit 735 euros à 985 euros par semaine de 5 jours. Les employés les mieux payés (aux postes plus qualifiés) peuvent gagner jusqu’à 10 000 euros par mois.

Regardez la conférence de presse pendant laquelle le journaliste a diffusé sa vidéo (1h42, avec traduction anglaise) ici.