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L’usine de retraitement de la Hague est-elle sûre ?
vendredi, 16 décembre 2011
/ Novethic / Le média expert du développement durable |
Alors que l’attention est focalisée sur la sûreté des centrales nucléaires, des experts évoquent les failles de l’usine de retraitement.
8h58, jeudi 8 décembre 2011. A l’usine de retraitement des combustibles nucléaires de la Hague, c’est l’accident. Un caisson de 4 tonnes contenant des matières combustibles fuit et tombe, endommageant des installations électriques. Un incendie démarre. Des matières gazeuses risquent de s’échapper de l’atelier. Sept salariés d’Areva sont contaminés, l’un d’eux est grièvement blessé. Le Plan d’urgence interne et le plan particulier d’intervention sont déclenchés respectivement par Areva et le préfet. Les 1 400 habitants de Beaumont-Hague, le village qui est situé à 2 ou 3 km du site, doivent être confinés. Puis ceux des villages alentours, dans un rayon de 5 km. Pourtant, dans les rues, aucun affolement. La plupart des commerçants restent même ouverts.
En 2001, à l’époque des attentats du 11 septembre, celui-ci avait déjà pointé du doigt les faiblesses de l’usine, notamment en cas de menace terroriste aérienne, avec le crash d’un gros porteur par exemple, alors que les règles fondamentales de sécurité définissent deux types d’avions jugés « représentatifs » mais bien plus petits… Pour Areva cependant, « tout a été étudié » et il n’est pas possible qu’un avion de chasse tombe « directement » sur les piscines, recouvertes d’un simple toit en tôle, en raison de la différence de hauteur des installations qui l’entourent. Mais là encore Mycle Schneider insiste sur le fait que d’autres hypothèses doivent absolument être envisagées, comme l’explosion d’un cargo transportant du gaz naturel près de la côte…
« La leçon n°1 était : il faut baisser la concentration en radioactivité du site. Au lieu de ça, on a augmenté les capacités de stockage des combustibles en piscine », s’étonne l’expert. Dix ans après, une autre leçon, issue de l’accident de Fukushima cette fois, serait de regarder de plus près le stockage à sec des combustibles : « alors que l’on craint pour le bâtiment où sont stockés les 135 tonnes de combustibles usés de la centrale japonaise, ceux qui sont stockés à sec n’ont pas bougé, même si le site a été inondé », souligne-t-il photo à l’appui.
Suite à l’accident japonais justement, les CLI de la Manche (EPR de Flamanville, usine de retraitement Areva et centre de stockage de l’Andra) ont fait figure de pionnier en se regroupant pour « identifier les faiblesses des installations manchoises » et « établir un diagnostic prospectif, analysant de façon transversale le niveau de sûreté » des installations du département (voir le document par ici). Y ont été « recensées toutes les questions sans tabou », reconnaissait sur France 3 Yannick Rousselet, chargé des questions énergies chez Greenpeace et membre des CLI, lors de la présentation du document le 30 novembre dernier, tandis que l’AFP confirmait : « les élus de la Manche, département le plus nucléaire de France, posent désormais des questions que seuls les anti-nucléaires soulevaient avant Fukushima ».
Parmi celles-ci : « quelle est la résistance du toit des piscines de la Hague compte tenu du risque d’accumulation de neige ? », « un A320 peut-il viser et toucher une piscine ? », « quels sont les moyens passifs pouvant être mis en œuvre permettant de rétablir les fonctions de sûreté sur les cuves de stockage des produits de fission en l’absence d’alimentation électriques sur ces fonctions ? » Des questions extrêmement précises auxquelles Areva devra répondre avant la parution d’un livre blanc sur le sujet en 2012.
Le 5 juillet 2011, le tribunal de grande instance de Paris a d’ailleurs annulé le projet, le qualifiant de « générateur de risques psychosociaux importants et de risques techniques et industriels considérables, (et) de nature à compromettre la santé et la sécurité des travailleurs concernés ». Depuis, Areva a fait appel, estimant que « l’entreprise ne peut pas accepter qu’une telle décision de justice laisse à penser que son projet puisse être une source de danger », mais Philippe Launay veut croire que le jugement sera confirmé.
« Il s’agit du secteur qui a en charge toute l’alimentation électrique, le refroidissement des piscines et de l’air, autrement dit le centre nerveux de l’usine ! Et il faut une quinzaine d’années à un salarié pour être autonome dans ce secteur là, alors que la moyenne de turn-over dans la sous-traitance est de 4/5 ans ! », s’insurge-t-il, ajoutant que la formation des sous-traitants lui apparaît relativement « insuffisante ». Alors qu’au niveau national, Areva vient d’annoncer un « plan d’orientation stratégique » qui se traduirait par un gel des embauches dans les fonctions support (soit 200 à 250 départs « naturels »/an), gel des salaires (pour 2012) et gel des investissements (touchant notamment l’extension du site de La Hague), les syndicats craignent les conséquences de cette gestion des ressources humaines sur la sûreté du site.