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« Vivement un baril à 200 dollars ! »
jeudi, 15 décembre 2011
/ Thierry Tiéné / Fondateur et directeur du bureau d’études A2D Conseil, il est conseiller environnement de l’hebdomadaire économique Les Afriques. Il anime des conférences en Afrique et en Europe sur la RSE, la croissance verte et le social-green business. |
Après l’échec des négociations internationales à Durban, seuls les marchés peuvent pousser à l’action les décideurs, estime Thierry Tiéné, conseiller environnement.
Dans quelques jours, le monde tournera la page de cette année 2011 marquée par la difficulté des politiques à résoudre les crises mondiales. Si pour des raisons économiques et géo-stratégiques même les blocs jadis solides comme l’Union Européenne se fissurent, on observe également au sein des nations une fracture idéologique. Pour les négociations climatiques, il est peut-être temps de sortir des accords de façade pour poser les questions qui fâchent. Après l’indignation mondiale autour de la décision du Canada de quitter le protocole de Kyoto, posons enfin le débat sur le climat par rapport aux enjeux économiques de chaque pays. Derrière la posture « sauvons la planète », levons définitivement les tabous sur les intérêts nationaux. Parallèlement, nous (africains) devrons interpeller ces nombreuses ONG, devenues des multinationales, qui sous couvert de parler au nom de l’Afrique et des pays du Sud défendent leur business humanitaro-écologique.
Interrogés sur les nombreuses affaires de corruption et détournements de fonds publics auxquels ils sont liés, les décideurs politiques occidentaux évoquent aussi les complots de leurs adversaires politiques. Mais ce sont les mêmes qui viennent en Afrique donner des leçons de morale et d’éthique sur la corruption. Devant leurs électeurs, ils indiquent que les marchés et agences de notation ont un complot pour déstabiliser les états. Les investisseurs américains auraient élaboré un complot pour la chute de la zone Euro.
Il y aurait aussi un complot chinois pour s’emparer d’une Europe (entreprises et rachat de la dette) fragile. Derrière le changement climatique, se cache un complot de l’Occident pour empêcher les pays émergents et du Sud de se développer. En plus du climat, d’autres africains sont également convaincus que la Responsabilité Sociétale des Entreprises et l’économie verte sont encore des complots de l’Occident contre l’Afrique. D’après les climato-sceptiques, le changement climatique n’est pas une réalité mais un complot. Il y a eu une vaste opération de fraudes à la TVA sur les quotas de CO2 en Europe et un détournement des crédits carbone issus du Mécanisme de développement propre (MDP). Dans le premier cas, ce serait un complot des ressortissants d’une certaine communauté et pour le second, celui des industriels chinois. En dehors de voir des complots partout, qui est finalement responsable de quoi ? D’ailleurs pourquoi creuser nos méninges puisqu’on n’ait responsable de rien et que tout est complot ?
Grâce au changement climatique, le Canada est en voie de devenir un immense eldorado pour les hydrocarbures. D’après certains experts, sous les sables bitumineux se trouvent la deuxième réserve mondiale d’or noir juste derrière l’Arabie Saoudite. Avec la flambée des cours du pétrole et la forte demande du voisin américain, qui souhaite limiter sa dépendance par rapport aux pays du Golfe, qui peut se passer de telles réserves ? Bien évidemment, pour l’idéologie bien pensante, il faut sauver la planète mais qui est prêt à voter pour un candidat qui promet de rogner sur le confort de ses compatriotes au nom de la lutte contre l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre ? L’augmentation des températures au Canada permettra de réchauffer le thermomètre favorisant ainsi les économies d’énergie pour le chauffage. La fonte des glaces favorisera l’optimisation du trafic maritime. Dans l’intérêt des canadiens et pour le bien de la planète, le Plan Nord et d’autres projets structurants doivent être accompagnés d’une stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’une taxe carbone et d’un mécanisme de marché pour les quotas de CO2.
A l’autre bout de la planète, l’Afrique est déjà la grande perdante du changement climatique. Sécheresse, inondation, immigration, maladies vectorielles, baisse du rendement agricole, ses conséquences se font déjà durablement sentir sur le continent. D’après Hela Cheikhrouhou, directrice énergie, environnement et changement climatique à la Banque africaine de développement, si rien n’est fait (pour lutter contre les émissions de CO2, ndlr), les pertes économiques en Afrique pourraient représenter de 1,5% à 3% du PIB d’ici 2030, et 10% d’ici la fin du siècle.
Etant donné la diversité environnementale et socio-économique en Afrique, les impacts économiques seront différents selon les pays et les secteurs. Le PIB des pays sahéliens pourrait baisser de 5%. Ce chiffre pourrait s’élever à 10% au début de 2030 pour les pays d’Afrique du Nord. En Afrique de l’Est, les périodes de sécheresse et d’inondations coûtent déjà l’équivalent d’environ 10% du PIB et l’augmentation probable de ces phénomènes pourra alourdir la note.
Mais finalement la réunionite n’est pas aussi mauvaise que ça puisque certains y trouvent un intérêt économique. Comme le rappelle le quotidien français La Tribune dans son édition du 30 novembre, le séjour à Durban a rapporté plus de 4 800 dollars (3 682 euros) à chacun des négociateurs des pays du Sud. Les représentants africains ont donc intérêt à poursuivre la grande messe du climat. Malgré ce pactole important, beaucoup ont été incapables de prendre en charge une nuitée en Afrique du Sud pour assister aux conclusions d’une rencontre aussi importante. C’est tout simplement incroyable et honteux. Nul doute qu’ils pensent déjà à la COP 18 de novembre 2012 au Qatar. Entre temps, leurs concitoyens continueront à subir les conséquences du changement climatique.