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« A Durban, le problème réside dans le divorce entre savants et politiques »
jeudi, 8 décembre 2011 / Corinne Lepage /

Avocate, ancien Ministre de l’Environnement, Présidente de Cap21.

Pour la députée européenne Corinne Lepage, les dirigeants politiques réunis au sommet climatique en Afrique du Sud n’ont pas conscience de l’urgence.

Corinne Lepage est députée européenne, présidente de Cap 21 et candidate à la présidentielle 2012.

Lors d’une conférence de haut-niveau tenue sous la présidence de Ban Ki Moon et du président Zuma, il est apparu hier (mercredi, ndlr) ici à Durban que le problème central réside bien désormais dans le divorce entre savants et politiques. Les politiques ne veulent plus ni entendre ni croire ce que savent les scientifiques. Et les lanceurs d’alerte sont nombreux et nous alertent depuis de nombreuses années.

Les constats - il ne s’agit plus de prédictions- sont pourtant plus qu’alarmants. Beaucoup de politiques affirment que l’espoir de voir la température « n’augmenter que de 2 degrés » ne fait que s’amenuiser. Quels mots délicieux et hypocrites. C’est tout le contraire. Comme le soulignait le Pr Pachauri, directeur du GIEC, passer à 3 degrés de réchauffement, comme cela semble inéluctable désormais, est un saut dans l’inconnu le plus complet.

Cela n’empêche pas des Etats, à commencer par les Etats-Unis et bien sûr les pays pétroliers, de clamer toujours que nous avons le temps, que décider en 2020 sera très bien… En définitive, les milliards de dollars déversés par les pétroliers et autres lobbys sur les « think tanks » chargés de semer le doute aux Etats-Unis et en Europe- nous en avons quelques beaux exemplaires en France- ont parfaitement réussi leur opération criminelle : mener l’Humanité au bord du suicide collectif en continuant à amasser des tas de dollars en exploitant l’or noir…

Malgré le drame décrit par les Etats de l’Aosis (les Etats insulaires), malgré les travaux et les cris d’alarme des scientifiques, rien ne semble donc avancer à Durban. Bien au contraire. Nous en sommes à espérer que les accords, s’il y en a, n’enregistrent pas de régressions trop catastrophiques.

Tout se passe à Durban comme si les Etats ne cherchaient qu’à mettre au bénéfice de leurs industries respectives, ou plutôt des lobbys qui les soutiennent, les moindres failles permettant de continuer à émettre massivement et/ou à vendre du nucléaire.

Mes chers amis, notre bien commun est ici oublié, foulé au pied, nié. Et si certains comme la Commissaire européenne ou le président Zuma produisent des efforts méritoires, la plus grande ambiguïté est celle de la Chine, faiseur de roi, dont chacun essaye de décrypter des messages contradictoires et sibyllins.

Pour cette conférence, pour nous tous, tout se jouera le dernier jour. Mais plus que jamais, les peuples du monde, dont certains se trouvent aujourd’hui déjà menacés dans leur vie, pourraient n’avoir plus qu’à demander des comptes à leurs responsables devant le tribunal de l’Histoire.

Chronique initialement publiée sur le blog de Corinne Lepage