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La publicité entre en religion
jeudi, 2 octobre 2008
/ Sylvie Serprix
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/ Anne Sengès / Correspondante de « Terra eco » en Californie, Anne Sengès est l’auteur de « Eco-Tech : moteurs de la croissance verte en Californie et en France », paru en novembre 2009 aux éditions Autrement. |
Leur royaume est leur méga-église. Leur pasteur est un « pastorpreneur ». Aux Etats-Unis, les protestants évangéliques conjuguent sans état d’âme religion et millions.
« What would Jesus Drive ? » En quoi roulerait Jésus aujourd’hui ? Promis juré, s’il était parmi nous, il roulerait « propre ». Campagne de pub à l’appui, le puissant réseau évangélique pour l’environnement a tiré le signal d’alarme pour rappeler aux fidèles que les énormes véhicules, qui encombrent les parkings des mega churches (méga-églises), sont la plaie des temps modernes. Un message que les constructeurs automobiles, qui s’invitent régulièrement à la sortie des églises pour des essais de voitures, ont joyeusement ignoré.
Chrysler a même ouvertement ciblé les chrétiens afro-américains pour faire la promotion de son 4 x 4 Aspen. Avec un pouvoir d’achat annuel estimé à 2 100 milliards de dollars, les 100 millions d’Américains protestants évangéliques – un tiers de la population – représentent un marché en or. « In God we trust » (« Nous avons foi en Dieu »). C’est écrit sur le billet vert. « Les pères du marketing moderne ont quasiment tous fait leurs classes sur les bancs de l’église, où ils ont appris le langage commercial : l’importance de la sincérité et l’authenticité du message, ainsi que le souci de servir le marketing expliqué à ma mère au mieux son prochain, explique James Twitchell, professeur de marketing à l’université de Floride et auteur de Shopping for God. Aux Etats-Unis, où le premier amendement de la Constitution est le garant de la liberté de culte, l’offre religieuse est telle – on recense 2 000 courants religieux et 500 000 églises –, que chacune doit rivaliser de créativité pour se distinguer des autres. »
Preuve ultime de l’influence du religieux dans la vie politique américaine et de l’importance du vote évangélique, ce pasteur superstar est également à l’origine d’un des plus beaux succès marketing de l’histoire de l’édition américaine. Son livre The Purpose-Driven Life, publié en 2002 par Zondervan, filiale religieuse du géant HarperCollins, s’est écoulé à 40 millions d’exemplaires. L’homme est parvenu à convaincre les pasteurs membres de son réseau Internet (www.pastors.com) de jouer les revendeurs. Ces guides spirituels ont ainsi acheté des exemplaires à prix cassé et poussé leurs fidèles à suivre un programme de quarante jours baptisé 40 Days of Purpose : des groupes de prières devaient disséquer chaque chapitre du livre. Bien vu. Le bouche-à-oreille s’est chargé du reste.
« Cette campagne virale est devenue un cas d’école au point de devenir le sujet d’un traité de marketing. Pourtant, Rick Warren a toujours refusé l’étiquette de génie du marketing », constate Larry Ross, pédégé d’une agence texane de relations publiques s’occupant des fines fleurs du mouvement évangélique. Rick Warren s’en défend : le succès de son livre est davantage dû à « son contenu qu’à une campagne de marketing brillamment orchestrée ».
Les grands noms du marketing tentent également de capitaliser sur la popularité de la musique chrétienne. Ce business pèse aujourd’hui la bagatelle de 700 millions de dollars (500 millions d’euros) par an contre 188 millions en 1990, selon les chiffres de Nielsen SoundScan. L’opérateur de téléphonie mobile Verizon a, par exemple, récemment lancé sur Internet un concours visant à identifier la meilleure chorale de gospel du pays sous le slogan « How Sweet the Sound ». Et si le très branché logiciel de musique Apple iTunes s’est affiché comme partenaire officiel du Creation Festival, grand rendezvous du rock chrétien, il ne s’agit pas non plus d’un miracle. —
Spots de foi au Brésil Alors que les catholiques constituaient 90 % de la population brésilienne en 1970, seul un Brésilien sur sept se déclare catholique aujourd’hui. Parallèlement, le nombre de protestants évangéliques est passé en trente ans de 4,8 à 43,6 millions. Inspiré par le succès des pasteurs évangéliques, qui ont placé le divertissement au coeur de leur sermons et traitent le fidèle comme un consommateur, l’homme d’affaires Antonio Kater Filho a créé, en 1998, l’Institut brésilien de marketing catholique et publié Le marketing appliqué à l’Eglise catholique.
Ses recettes pour moderniser l’Eglise catholique ? Tout d’abord, un relookage qui commence par le remplacement des bancs durs par des fauteuils moelleux. Puis, un marketing agressif pour attirer de nouveaux fidèles. « La croix est le meilleur symbole de marketing au monde, les clochers sont les meilleurs panneaux publicitaires et le salut de l’âme le meilleur produit », martèle-t-il. Ainsi, soit-il !
La campagne « What would Jesus Drive ? »->www.whatwould jesusdrive.org]
Les 25 évangélistes américains les plus influents, selon Time->www.time.com/ time/covers/1101 050207/photo essay/index.html]
Shopping for God : how christianity went from in your heart to in your face, James Twitchell (ed. Simon & Schuster, 2007). PyroMarketing, Greg Stielstra, (ed. Collins Business, 2005)
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