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« Pour la Grèce, sortir de l’euro n’aurait pas de sens »
vendredi, 4 novembre 2011
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
Sortira, sortira pas ? Au détour de son référendum annoncé, puis annulé, la question de l’appartenance de la Grèce à la zone euro a été posée. Et l’Europe s’en est trouvé fragilisée, explique Fabio Liberti de l’Iris.
Fabio Liberti est directeur de recherches, spécialiste des questions européennes à l’institution de relations internationales et stratégiques (Iris)
Mais l’annulation du référendum pose la question de la dichotomie entre les marchés et la démocratie. Les bourses mondiales se sont écroulées après l’annonce du référendum. Et M. Papandréou a prétexté la pression des marchés pour annuler sa tenue. C’est un peu limite du point de vue démocratique. Et ça risque d’affaiblir l’image de l’Europe. Les citoyens lambdas se disent : la Grèce voulait consulter son peuple. Les marchés le lui ont interdit.
En revanche, une sortie de la zone euro n’aurait pas de sens. Si la Grèce revenait à la drachme, ce serait à une drachme dévaluée de 55% selon les économistes. Certes, ça permettrait à la Grèce de regagner en compétitivité, de retrouver de la croissance économique et de quitter sa situation de récession. Mais elle garderait sa dette. Or sa dette est libellée en euro. Avec une monnaie dévaluée, la dette serait automatiquement plus forte. Sur le plan économique, quitter la zone euro est un non sens. Ce qu’ont fait les chefs d’Etat comme Nicolas Sarkozy c’est de formuler une menace. On vous prête 220 milliards d’euros, si vous n’êtes pas content, vous vous débrouillez tout seul.
Sortir de l’euro serait un mauvais plan stratégique pour la Grèce mais est-ce que ça pourrait soulager les autres pays de la zone euro ?
Non. Si les marchés voient que, sous la pression, la Grèce est sortie de la zone euro, on risque une surenchère avec l’Espagne ou l’Italie. Selon moi, la solution ce n’est pas ça. Il faudrait une démission des chefs de gouvernement qui ne sont plus considérés comme crédibles par l’opinion publique. C’est notamment le cas de Papandréou et de Berlusconi. Le problème c’est qu’ils demeurent des personnalités démocratiquement élues. Alors s’ils démissionnent, on pourra se demander : « Est-ce normal que des gouvernements changent sous la pression des marchés ? » De toute façon, les gouvernements qui appliquent ces plans de rigueur seront forcément impopulaires. On risque d’avoir dans pas mal de pays d’Europe des gouvernements de transition, technocratiques dont les devoirs seront d’appliquer les règles dictées par la Commission européenne et le FMI.
Pour sortir de la crise, il faut aussi laisser la BCE jouer un rôle de prêteur donc aller à l’encontre de la volonté allemande. On aura alors les fonds nécessaires, on pourra réformer les traités européens et construire un véritable fédéralisme budgétaire. Aujourd’hui, tout le monde fait un peu ce qu’il veut dans son coin. L’Allemagne a engagé des réformes mais la France n’a rien fait alors qu’elle affiche un déficit public énorme, à 6% du PIB.
Et n’oublions pas non plus qu’il y a des actifs grecs à l’intérieur des banques françaises. Avec le plan européen, il ne s’agit pas de seulement de sauver la Grèce mais également de sauver les banques françaises !
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