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Le G20 englouti par la crise grecque
jeudi, 3 novembre 2011 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Le groupe des 20 est réuni à Cannes. A l’agenda, le système monétaire international, mais dans tous les esprits, la crise européenne. Tour des enjeux.

A priori, les missions de ce G20 ne manquent pas. Présidente pour 2011, la France avait d’ailleurs fixé six objectifs prioritaires : la réforme du système monétaire international, le renforcement de la régulation financière, les politiques d’emploi et d’aide au développement, la lutte contre la volatilité des prix et la corruption. Autant de bonnes résolutions qui risquent de passer un peu à la trappe ou au moins en sourdine. Petit tour des enjeux du sommet.

Si l’Europe entendait arriver au G20 unie avec, dans la poche, la résolution de la crise grecque, c’est raté. L’annonce par le Premier ministre de la tenue d’un référendum sur le nouveau plan d’aide européen a mis ce beau scénario à terre. A Cannes, c’est donc la crise de la zone euro qui occupe aujourd’hui le devant de la scène. Georges Papandréou, dont le pays n’est pourtant pas membre du G20, est d’ailleurs venu discuter avec ses homologues.

La première session de travail, qui devait être consacrée à la situation économique mondiale, aura finalement été dédiée à la zone euro. Et la situation européenne risque de mettre le Vieux continent en position de faiblesse. Ses partenaires accusent en effet les déboires de la zone euro de retarder la reprise mondiale. C’est notamment le cas de Barack Obama qui n’a pas hésité ces derniers mois à évoquer la situation financière de l’Europe au nombre des « vents contraires » empêchant la reprise.

En avril, 1 000 économistes de 53 pays et issus d’universités prestigieuses (Harvard, la Sorbonne, Oxford, Cambridge, Kyoto, etc.) avaient remis une lettre aux ministres des Finances du G20. Ils réclamaient l’introduction d’une taxe sur les transactions financières afin de « s’attaquer à la pauvreté dans le monde, de financer la lutte contre les changements climatiques et d’aider les victimes de la crise économique ». « Il est temps (...) que le secteur financier rende un peu de ce qu’il a pris à la société. Même à des taux très bas de 0,05% ou moins, cette taxe pourrait collecter des centaines de milliards de dollars chaque année et tempérer les excès spéculatifs », précisait la missive.

Leur appel risque de rester sans réponse. Si la France et l’Allemagne soutiennent l’idée d’une telle taxe, ce n’est pas le cas du Royaume-Uni. Et face au souci de la zone euro, on risque de ne pas s’attarder sur ce sujet polémique. « La probabilité de parvenir à un accord global sur la mise en place d’une taxation sur les transactions financières au G20 de Cannes est faible, pour ne pas dire nulle », selon Daniel Lebègue, Luc Lamprière et Jean-Louis Viélajus. « Dès lors, que peuvent faire les pays qui sont prêts à aller de l’avant pour éviter l’enterrement de ce projet qui constitue, de notre point de vue, le principal enjeu du G20 de Cannes ? La proposition mise en avant par la présidence française est qu’une coalition de pays pionniers ouvre la voie sans attendre les autres et crée ainsi la dynamique indispensable à la veille des grands rendez-vous internationaux des années 2012-2015 (Rio + 20 et Objectifs du millénaire pour le développement). »

C’était l’une des priorités du G20 de Londres en 2009. « Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est terminé », affirmait alors Nicolas Sarkozy à la télévision. A l’époque l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait même publié une liste de paradis fiscaux. Mais deux ans après, la donne a peu changé selon Mathilde Dupré du Comité catholique contre la faim-Terre solidaire interrogée par 20 minutes : « 800 milliards d’euros s’échappent chaque année de ces pays et la seule évasion fiscale des multinationales génère un manque à gagner de 125 milliards d’euros. Des sommes considérables qui pourraient financer des politiques de santé, d’éducation… » Les choses vont-elles s’améliorer à Cannes ? Sans doute pas. Certes, le Forum fiscal mondial – qui travaille sur la transparence fiscale – doit remettre ses conclusions au G20. Mais c’est à peu près tout. La France d’ailleurs n’a pas mis les paradis fiscaux au nombre de ses six chantiers prioritaires.

C’est notamment la question de la Chine et du yuan qui devait être au menu des discussions du G20. Les dirigeants chinois « doivent comprendre que la question de leur monnaie et de l’intégration de celle-ci dans le système monétaire international est incontournable », déclarait Nicolas Sarkozy lors de son allocation télévisée le 27 octobre. Largement sous-évalué, le yuan avantage le pays à l’exportation. Pékin devrait donc être prié de réévaluer sa monnaie. Mais la Chine voudra-t-elle faire un geste alors même que l’Europe a besoin d’elle pour alimenter le fonds européen de stabilité financière ? Peut-être. En tout cas, les représentants des secteurs patronaux chinois, réunis au sein du « B20 » ont accepté de signer une déclaration recommandant un système monétaire multipolaire (qui s’appuierait sur d’autres devises que le dollar et l’euro, notamment sur un yuan convertible, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui) selon Les Echos. De quoi obliger le gouvernement à lâcher un peu de lest sur sa monnaie dont elle contrôle aujourd’hui fermement la valeur.