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La lingette
jeudi, 27 mars 2008 / Cire , / Louise Allavoine

La lingette a transformé la vie des parents. Vitres, parquet, fesses de bébé… Ce produit, jetable par excellence, nettoie tout. Sauf la nature.

Méfiance, elle est partout. Elle sert à tout et existe sous toutes les formes. Nettoyante, dépoussiérante, démaquillante, déodorante, intime, rafraîchissante, désinfectante, détachante, assouplissante, pour appliquer la crème solaire, pour laver les vitres, les écrans, les lunettes, les fesses de bébé, et même pour débarbouiller Médor. En moins d’une décennie, le marché de la lingette, porté par de multiples innovations, a explosé. Presque inexistante dans les foyers français avant 2000, la serviette nettoyante était adoptée par quatre foyers sur dix en 2005.

Pratique et hygiénique, la lingette n’a même plus besoin d’eau. Un simple coup sur la zone à lustrer et zou, à la poubelle ! Mais depuis quelque temps, la lingette d’entretien de la maison – le tiers du marché de ce produit – a moins la cote. En 2007, la moyenne est ainsi tombée à trois foyers utilisateurs sur dix. Pouvoir d’achat en berne oblige, la coûteuse serviette pèse de plus en plus lourd dans le panier de la ménagère. Les Français, pourtant consommateurs des deux tiers de la production européenne, commencent donc à se détacher de ce produit marketing par excellence. Ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle, car les arguments écologiques contre ce symbole du jetable et de l’usage unique ne manquent pas.

Selon une étude de l’Observatoire de la consommation durable à Bruxelles, un foyer qui utiliserait des lingettes pour nettoyer la maison du sol au plafond et s’humecter des pieds à la tête, produirait un surplus de 58 kg de déchets par an. Lesquels filent ensuite directement à l’incinérateur, car la serviette jetable ne se recycle pas, ou très peu. « Cette étude ne correspond pas aux habitudes des consommateurs  », défend Alain de Cordemoy, le président de l’Afise, l’Association française des industries de la détergence, de l’entretien et des produits d’hygiène industrielle, qui met en avant le fait qu’un ménage n’abandonne jamais serpillière et gant de toilette pour le tout-lingettes. D’ailleurs, d’après les statistiques de l’Afise, un foyer utilisateur ne bazarde en moyenne que sept lingettes par semaine. Lesquelles ne pèseraient que « 0,05 % des ordures ménagères », insiste Alain de Cordemoy.

Substances chimiques et fibres synthétiques Agacée par le mauvais procès fait à la lingette, l’Afise commande donc, en 2004, l’analyse du cycle de vie de la lingette version « nettoyage du sol » et la met en compétition avec ses rivaux, le spray et les produits en flacon. L’enquête, conduite par le spécialiste Ecobilan, aboutit à des conclusions mitigées : « Aucun des produits ne peut être qualifié de meilleur pour l’environnement sur tous les indicateurs. » Chacun possède des points forts et des points faibles. La lingette gaspille trois fois moins d’eau que ses concurrents, mais elle produit trois fois plus de déchets ménagers que le spray et six fois plus que les liquides. Rien n’est tout vert ni tout blanc au pays de la lingette. Mais au fait, de quoi est composée la serviette nettoyante  ? Plongeons au coeur des lingettes pour bébé, Babyfresh de Pampers, par exemple. « Il ne s’agit ni de tissu ni de papier, mais de non-tissé », détaille- t-on chez Procter & Gamble, le groupe américain qui possède la marque. Késako le « non-tissé » ? « Un mélange de fibres synthétiques et naturelles non tissées. » La combinaison est subtile : la lingette doit être suffisamment résistante pour ne pas se déchirer et suffisamment douce pour respecter la peau de bébé. Quant à la lotion, « elle correspond à la composition des laits de toilette et subit la même réglementation que les produits cosmétiques ». Comprenez : les substances chimiques indiquées sur l’étiquette sont toutes autorisées par l’Europe (lire ci-contre). Le toxicologue André Cicocella dirait plutôt qu’« elles ne sont pas interdites ». Car « certaines substances mises sur le marché avant 1981 n’ont pas forcément été testées », explique le coauteur du livre Alertes santé. Experts et citoyens face aux intérêts privés. Ce qui ne veut pas dire qu’elles présentent forcément un risque pour la santé. « Le vrai scandale, conclut-il, c’est que l’on ne sait pas. »


L’Europe a le goût du risque

Comment des substances chimiques peuventelles être commercialisées sans avoir été testées pour tous les risques ? C’est la faute à pas de règles. Ou plutôt au fait que ces règles ne sont pas encore appliquées. Entré en vigueur le 1er juin 2007, le règlement d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation des substances chimiques (Reach) a créé une agence européenne des produits chimiques (Echa). Seul hic : celle-ci ne sera prête à traiter les enregistrements qu’à partir de juin 2008. En attendant, l’ancienne réglementation de 1981 dispense toujours les substances mises sur le marché avant cette date d’une évaluation exhaustive du risque. Or on ne sait pas tout de ces substances dont certaines imbibent certaines lingettes.


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