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Fibre de vert
jeudi, 28 février 2008 / Arnaud Gonzague

Mais pourquoi le monde n’a-t-il pas pensé en "vert" dès les années 1970 ?

Le problème avec les bonnes idées, c’est qu’elles émergent souvent trop tard. C’est au moment où notre planète est usée jusqu’à la corde, où les glaciers sont déjà presque fondus et la biodiversité compromise que les grandes idées écologiques commencent à se frayer un chemin. Mais pourquoi le monde n’a-t-il pas pensé « vert » dès les années 1970 ?

Eh bien, le monde y a pensé… mais il s’en fichait comme de sa première couche d’ozone ! C’est tout l’intérêt de La Troisième Rive, l’autobiographie d’Ignacy Sachs, 80 ans, économiste et grand théoricien de l’« écodéveloppement ». Il nous rappelle que le premier colloque international sur l’environnement s’est tenu à Tokyo en 1970 – il y était – et le mot nippon « kogai » , dégradation de l’environnement était alors « sur toutes les lèvres ». Puis en 1972, l’ONU, à la conférence de Stockholm, « inscrivit définitivement l’environnement à l’ordre du jour de la communauté internationale ».

Il se trouvait aussi à la conférence de Cocoyoc, au Mexique (1974), « qui marque un tournant dans l’histoire » : “ Une lutte effective contre le sous-développement demande d’arrêter le surdéveloppement des riches […] ” C’est de loin la déclaration la plus radicale que les Nations unies aient jamais concoctée ». Sans parler du célébrissime rapport Que faire ? Un autre développement, publié par l’ONU en 1975. Bref, on l’aura compris : les bonnes idées n’arrivent pas trop tard, il faut juste être capable de les entendre à l’heure. Ce n’est manifestement pas un trait humain. Sachs reste assez stoïque bien qu’il ait hurlé dans le désert pendant quarante ans. Il a lentement, très lentement, contribué, avec d’autres cinglés de son espèce, à changer la mentalité mondiale. Il possède probablement ce qui fait défaut à la plupart d’entre nous : le sens de l’Histoire et la capacité surtout à supporter son rythme d’escargot. « L’homme est un projet », souligne-t-il, reprenant la phrase de Sartre. Aujourd’hui, Sachs croit que l’avenir des paysans du Sud est à la « civilisation du végétal » basée sur l’énergie solaire, et non à l’urbanisation galopante. On aimerait déjà voir ça. Lui semble être capable d’attendre paisiblement quatre-vingts années supplémentaires. —

- Le blog d’Arnaud Gonzague