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Profession : recycleuse de vies
jeudi, 28 février 2008 / David Solon /

Président de l’association des Amis de Terra eco Ancien directeur de la rédaction de Terra eco

Au Pérou, 2 300 personnes ont pu créer leur microentreprise de traitement des déchets, grâce à Albina Ruiz.

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(Crédit : Martin Mejia/AP/Sipa)

Albina Ruiz (ci-contre avec Mohammad Yunus, l’inventeur du micro-crédit et prix Nobel de la paix), 48 ans, a gagné ses galons d’entrepreneur social à la force du poignet. Cette native de Moyobamba, l’ancienne capitale de la région de Maynas en Amazonie péruvienne, a débarqué toute jeune à Lima. Très vite, alors qu’elle mène ses études d’ingénieure, la jeune femme est choquée par le système de collecte des ordures. Dans les années 1980, plus de 600 tonnes de déchets s’accumulent chaque jour dans les rues du cône nord de la capitale péruvienne. « Il y avait quelques initiatives individuelles, souvent méprisées par la population, mais aucune concertation collective, raconte Albina Ruiz. Au final, c’était l’anarchie complète. » Elle imagine donc le projet « Ciudad saludable » – « ville saine ». « L’idée de départ est ambitieuse, passionnante et profonde en même temps, ajoute José Carlos Rodriguez, cofondateur de l’initiative et désormais président. L’objectif est de briser le système D de la collecte des ordures et de pousser ceux qui en vivent – plus de 100 000 personnes au Pérou – à se former, se professionnaliser puis se fédérer. »

La structure propose ainsi un cercle vertueux à ceux que l’on appelle los reciladores – « les recycleurs ». Souvent marginalisés, car ils passent leur temps sur des tas d’ordures pour les trier, ces hommes et ces femmes sont invités par « Ciudad saludable » à créer leur micro-entreprise. L’accès au crédit leur est facilité. Ils reçoivent une formation pointue, peuvent acquérir un tricycle de collecte. Bref, ils passent de l’économie parallèle à une activité structurée. Une fois ce « label » obtenu, les recycleurs se partagent un secteur de leur commune et passent collecter les déchets directement chez l’habitant et de façon sélective papier, verre ou plastique, avant d’aller le revendre aux grossistes.

Tricycle, uniforme et formations

Esperanza Huanca, 31 ans, habitante de Comas dans le nord de la capitale, a intégré le programme il y a sept mois. Mère de trois enfants, elle a connu l’économie parallèle et informelle avant de rencontrer « Ciudad saludable ». Grâce à ce projet, elle a cocréé une microentreprise (la Feln) avec six autres personnes, a reçu un tricycle, un uniforme et une batterie de formations. « J’ai surtout gagné en dignité et en estime de moi », affirme la jeune femme. Esperanza Huanca touche désormais entre 400 et 600 soles par mois (95 à 140 euros), le salaire minimum au Pérou.

Son projet a valu à Albina Ruiz une avalanche de récompenses. Lauréate de la fondation Schwab, du réseau Ashoka, de la Skoll foundation, primée par le réseau australien de développement global, l’ingénieure péruvienne, mère de famille, a semble-t-il réussi son pari : 2 300 personnes, issues d’une cinquantaine de communes, ont rejoint l’initiative. Cette dernière commence même à se déployer au Venezuela, en Colombie et au Mexique. « C’est un projet global qui démultiplie ses effets au fur et à mesure qu’il grandit. Il bénéficie, d’une part, à l’individu qui y trouve une motivation sociale et, d’autre part, à la collectivité qui y gagne en organisation », résume Albina. Au Pérou, 15 000 tonnes d’ordures ménagères sont produites tous les jours. —

- Le site de Ciudad Saludable


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(Crédit : Martin Mejia/AP/Sipa)
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