https://www.terraeco.net/spip.php?article3737
|
Quand l’homme emprunte la Terre
jeudi, 28 février 2008
/ Sylvie Serprix
,
/ Laure Noualhat / Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet. |
Chaque année, il faut des tonnes de « nature » pour subvenir aux besoins d’un Terrien. Problème : cette « empreinte écologique » dépasse les ressources de la planète. Explications.
Mme Lambda revient du supermarché. Dans le coffre de sa voiture, de quoi remplir sa penderie, son frigo et donc ses poubelles dans quelques jours. Son emploi de vendeuse la conduit à grimper dans sa voiture tous les matins pour effectuer les 15 kilomètres qui séparent son domicile de son lieu de travail. Le problème, c’est que la planète héberge désormais plus de 6 milliards d’êtres humains et que nos comportements – même s’ils peuvent sembler banals à nos yeux – finissent par dépasser les capacités de la Terre à supporter cette (sur)activité. En 1990, un étudiant canadien, Mathis Wackernagel, se penche sur le problème et entame une thèse sous la direction de William Rees à l’université de Columbia à Vancouver (Canada).
Au lendemain du sommet de Rio, les deux chercheurs planchent sur un outil visant à calculer ce qu’ils baptisent alors, sans grande inspiration, « la capacité de soutien appropriée » de la planète. « C’est un informaticien qui nous a soufflé le terme d’“ empreinte écologique ”, reconnaît Mathis Wackernagel. Il venait de s’offrir un nouvel ordinateur, plus compact que le précédent et il louait la “ faible empreinte (comprendre “ trace ”) sur le bureau ” de son achat. » En 1996, les deux compères publient le premier ouvrage sur la question [1]. L’empreinte est enfin définie et désigne l’espace utilisé par les hommes pour produire les ressources nécessaires à leur mode de vie et pour rejeter leurs déchets. Pour l’évaluer, il s’agit d’abord de faire l’inventaire de notre bonne vieille Terre, puis de savoir quel garde-manger écologique (la « biocapacité ») est à notre disposition.
Petite leçon d’arithmétique. Considérons la superficie totale du globe et soustrayons les zones dites « non biologiquement productives » comme le grand large, les glaciers, les sommets ou les déserts. Prenons en compte et quantifions les besoins minimaux des autres espèces (faune et flore) en eau, air, habitat et nutriments. Il reste à la disposition de l’Homo sapiens 11,2 milliards d’hectares. Partagé entre les 6,3 milliards d’individus, cet espace se réduit à 1,78 hectare par personne. D’après ce calcul, l’homme dispose donc, pour une année, de l’équivalent de plus de 3 terrains de foot.
Mais l’équation se corse. Car, pour satisfaire nos modes de vie et notre consommation, l’empreinte moyenne de l’homme grimpe d’un cran et passe à 2,23 hectares par habitant, soit 4,5 terrains de football, selon les calculs de l’ONG Planète vivante. Le hic saute aux yeux : l’empreinte écologique de l’humanité équivaut à 125 % de la biocapacité planétaire. L’humanité vit donc au-dessus des moyens de la planète. A ce rythme, la gueule de bois écologique est prévue pour 2050. Bien entendu, un Asiatique ne pèse pas avec la même intensité sur le globe qu’un Africain ou un Nord-Américain. En Europe, l’empreinte s’élève à 4,8 ha par habitant ; en Amérique du Nord à 9,6 ha ; dans les Emirats arabes unis à 11,9 ha. A l’inverse, elle n’est que de 0,8 ha au Yémen et de 1,6 ha en Chine.
Or, d’un point de vue écologique, ces hectares sont totalement différents. Un indicateur ne peut pas traiter deux questions concurrentes en même temps », ajoute Frédéric-Paul Piguet. Plus modérée, Thanh Nghiem dirige l’institut Angenius qui aide les collectivités à utiliser cette mesure, notamment pour les déchets : « L’empreinte est un outil encore jeune et imparfait. Sa principale faiblesse réside moins dans les querelles d’experts que dans les difficultés à l’utiliser correctement au niveau d’une collectivité ou d’une entreprise. » En France, l’Institut français de l’environnement a lancé un audit sur l’intégration de l’empreinte dans les statistiques nationales. « Cet indicateur ne peut pas servir à la mise en oeuvre de politiques écologiques car il est presque totalement aveugle aux dommages causés aux ressources naturelles », prévient Frédéric Paul-Piguet.
Le site du Global Footprint Network, où se trouvent les données pays par pays
Pour calculer son empreinte personnelle
Le site du WWF
L’agence Angénius s’adresse aux collectivités et à certaines entreprises
GIF - 22 ko 250 x 370 pixels |