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Du soda naît la lumière
jeudi, 3 janvier 2008 / Jean-Claude Gerez

Au Brésil, le projet « Vale Luz » réduit les factures d’électricité des habitants des favelas. Et recycle les canettes usagées.

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Ramassage de canettes à Bahia (Crédit : JC Gérez)

Il y a encore trois ans, Alzira pestait contre la saleté de la Nouvelle Hollande, un quartier de la favela da Maré, bidonville de 50 000 habitants de Rio de Janeiro (Brésil). Dans celui-ci, dépourvu de système de toutà- l’égout et déserté par les services de voirie, les habitants ne pouvaient compter que sur eux-mêmes pour éviter de crouler sous les ordures, en particulier les canettes en aluminium des boissons gazeuses. « Et puis un jour, raconte cette dynamique trentenaire, qui est née, a grandi et vit encore aujourd’hui avec son mari et ses quatre enfants dans ce quartier, une “ voiture-son ” est passée dans la favela. La sono expliquait qu’en récupérant ces emballages en aluminium et en les déposant dans des collecteurs placés aux différentes entrées du quartier, on pouvait réduire notre facture d’électricité. » Une information confirmée quelques jours plus tard par la visite d’employés d’Aleris Latasa, une entreprise de production et de recyclage d’aluminium.

Un nouvel accès aux crédits

« Cette idée est née d’un triple constat, explique José Roberto Giosa, l’ancien pédégé d’Aleris Latasa et à l’origine de « Vale Luz » (« Val Lumière »). Nous avions besoin de matière première pour notre activité, or les habitants des quartiers défavorisés éprouvaient des difficultés à honorer leurs factures d’électricité et les favelas étaient en proie à de gros problèmes d’environnement.  » En mars 2005, Aleris Latasa a donc tenté une première expérience en signant avec Light, la compagnie d’électricité locale [1], un partenariat sur un principe simple : attribuer des bons de réduction sur la facture d’électricité à toute personne qui récupère des déchets recyclables. « Ceci permet à des personnes vivant dans l’exclusion et dans le secteur informel de reconquérir une citoyenneté. En réglant leurs factures, ils bénéficient à nouveau d’un accès au crédit, explique José Roberto Giosa. Et ils prennent aussi conscience de l’importance du recyclage pour l’environnement. »

L’homme a passé plus de vingt-cinq ans dans l’industrie de l’aluminium. « L’histoire du recyclage des canettes a véritablement commencé en 1991 avec l’implantation d’un premier poste de collecte à la sortie d’un supermarché dans le quartier de Barra da Tijuca, à Rio. Je me souviens que le premier jour, nous avions récolté 127 canettes vides payées chacune 3 centavos (1,2 centime d’euro). Trois ans plus tard, la collecte s’élevait à 18 000 canettes par jour. » Mais « Vale Luz » a véritablement germé dans l’esprit de José Roberto Giosa après le succès du projet « Ecole », consistant à échanger des canettes vides contre des fournitures et des équipements scolaires. « Ce système a fonctionné pendant dix ans et a bénéficié à 16 000 écoles du pays. Non seulement, il palliait les carences budgétaires de l’Etat vis-à-vis des établissements scolaires, mais il avait aussi une valeur éducative en sensibilisant les enfants à la préservation de l’environnement. »

Les impayés ont chuté de moitié

La sensibilisation a été nettement plus difficile auprès des adultes, lors du lancement de « Vale Luz ». « Au début, les habitants de la favela da Maré imaginaient en effet qu’il s’agissait d’une tentative déguisée de la compagnie d’électricité pour recouvrer les factures impayées », se souvient José Roberto Giosa. Mais l’accord avec cette dernière était clair : pas de rétroactivité sur les factures. Et puis les compagnies ont vite fait leur calcul et ont compris leur intérêt. « Le nombre d’impayés a chuté de moitié dans certaines localités, assure José Roberto Giosa. Quant aux factures, leur montant a été réduit de 20 % à 35 % en moyenne. »

Le projet « Vale Luz » change aujourd’hui la vie de plus d’un million de personnes et représente 450 000 canettes collectées par jour dans le pays. Le prix de ces emballages en aluminium se situe autour de 3 réais le kilo (1,15 euros le kilo). De quoi contribuer à l’excellence brésilienne dans le domaine. Pour la sixième année consécutive, le pays est en effet celui qui a le plus recyclé ses emballages en aluminium au monde. Avec un taux de 94,4 %, il devance le Japon (90,9 %) où le recyclage est pourtant obligatoire, ou encore le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suisse (88 % pour chacun), où la législation est très contraignante. —


FICHE D’IDENTITE

CREATION : mars 2005. IMPLANTATION : actuellement actif dans 3 Etats brésiliens, une extension à trois autres Etats est prévue en 2008. POPULATION CONCERNEE : environ 1 million de personnes. RESULTAT : 450 000 canettes récupérées par jour (soit environ 6 tonnes). Dans le pays, 10 milliards d’emballages sont recyclés chaque année. SECTEUR : l’industrie de l’aluminium représente 4,3 % du PIB du Brésil.

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Ramassage de canettes à Bahia (Crédit : JC Gérez)
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