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Les petits paquets d’Eco-Emballages
jeudi, 29 novembre 2007 / Nicolas Filio , / Agence Rea

Une entreprise contrôlée par les industriels de l’emballage, qui contribue à réduire les déchets : c’est la mission paradoxale d’Eco-emballages.

Quel est le point commun entre du vin, des petits pois en conserve et des gâteaux secs ? Une fois consommés, ils laissent les consommateurs avec un emballage sur les bras. Celui-ci est souvent indispensable, mais fréquemment trop abondant. Depuis un décret du 1er avril 1992, les entreprises qui placent sur le marché des produits contenus dans du plastique, du verre, du carton ou encore de l’acier « sont tenues de contribuer ou de pourvoir à l’élimination de l’ensemble de leurs déchets d’emballage ».

Les industriels peuvent récupérer eux-mêmes leurs boîtes, bouteilles ou sachets. Mais ils s’adressent généralement à Adelphe, société agréée par les pouvoirs publics, ou à son concurrent et désormais principal actionnaire, Eco-Emballages. Cette dernière entreprise fête cette année ses quinze ans d’existence. Sa mission première ? Collecter auprès des entreprises une taxe sur la fin de vie des emballages d’un côté, organiser le tri sélectif auprès des collectivités locales de l’autre. En 2006, Adelphe et Eco-Emballages ont récolté 412,3 millions d’euros auprès de 47 000 entreprises, celles-ci versant en moyenne 0,6 centime d’euro par emballage. Eco-Emballages annonce redistribuer 94 % des sommes qu’elle perçoit aux collectivités locales. Le Cercle national du recyclage, qui représente un grand nombre de ces dernières, évoque, lui, un chiffre plus proche des 90 %.

« Petit à petit, notre soutien aux collectivités s’est développé sous forme de services », explique Bernard Hérodin, le directeur général d’Eco-Emballages. Son entreprise propose ainsi aux mairies et autres communautés de communes des logiciels pour optimiser le recyclage (en calculant notamment la fréquence de ramassage), gérer les centres de tri ou encore mesurer leur impact environnemental. Mais Eco-Emballages s’adresse aussi aux entreprises à travers des actions de formation à l’écoconception (en clair, se préoccuper de la fin de vie d’un produit dès sa création). Et elle participe au Comité technique pour le recyclage des emballages plastiques (Cotrep) avec les fabricants d’emballages. Ce cercle de réflexion se penche sur les impacts environnementaux des sachets, bouteilles et blisters, sur les possibilités de recyclage de ces nouveautés. « Les recommandations que nous y faisons sont suivies », assure Bernard Hérodin.

Liberté du consommateur

Eco-Emballages affiche aujourd’hui fièrement son bilan : 60 % des emballages ont été recyclés en 2006, conformément aux normes européennes, qui exigent un taux compris entre 55 % et 80 % pour 2008. Mieux, selon une étude de l’institut Estem, le gisement des emballages a baissé entre 1994 et 2006, passant de 4,6 à 4,4 millions de tonnes, alors que le produit intérieur brut augmentait de 25 %. Un résultat obtenu, selon Eco-Emballages, par la baisse de consommation de certains produits emballés, la diminution de la part du verre et la disparition progressive des sacs de caisse. Cette perte de poids n’a pas forcément correspondu à une baisse de volume. Si le nombre d’emballages s’est légèrement réduit de 90,7 milliards en 2003 à 90,2 milliards en 2006, il a tout de même augmenté de 14 % en volume en douze ans.

« L’action d’Eco-Emballages, nous la jugeons plutôt négative, lâche pourtant Florence Couraud, directrice du Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid). Ils ne veulent pas réellement faire de prévention sur les emballages, surtout quand cela va à l’encontre des intérêts de leurs actionnaires. Par exemple, il y a deux ans, ils ont refusé de s’associer à la campagne de promotion de l’eau du robinet menée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.  » Eco-Emballages est en effet détenue à 70 % par les fabricants qui utilisent des emballages, à 20 % par les filières de matériaux et à 10 % par les distributeurs. Bernard Hérodin répond qu’il préfère « laisser le choix au consommateur » et insiste sur le fait que la composition de l’actionnariat d’Eco-Emballages ne lui ôte pas sa liberté de ton face aux industriels.

Pression sur les pollueurs-payeurs

« Eco-Emballages a permis le développement de la collecte sélective, reconnaît Bertrand Bohain, délégué général du Cercle national du recyclage (CNR), mais il en fait porter le coût majoritairement sur le consommateur jusqu’à ces deux dernières années. » Le CNR réclame donc, en application du principe pollueur- payeur et pour inciter les industriels à l’écoconception, que ceux-ci prennent en charge 100 % des frais de collecte et de recyclage des emballages. D’après Eco-Emballages, ces coûts sont aujourd’hui supportés à 57 % par les entreprises et à 43 % par les collectivités locales. Une situation que justifie Bernard Hérodin : « C’est normal, car le consommateur effectue lui aussi un choix. Il peut acheter son café en écorecharges, opter pour des yaourts vendus par seize plutôt que par quatre, etc. » Cette vision, qui privilégie en permanence l’autodiscipline, n’emballe pas tout le monde. —

Un Point vert de confusion

« Tiens, le voilà ton carton en papier recyclé ! », lance un adolescent à sa petite soeur dans les rayons d’un supermarché. « T’as tout faux, rétorque celle-ci. Le Point vert signifie que c’est recyclable, pas recyclé. » « Vous avez faux tous les deux, intervient la mère. Le Point vert signifie simplement que l’entreprise qui a mis ce produit sur le marché participe financièrement à la collecte sélective des emballages. » Cette saynète est en fait une animation qu’on trouve dans la rubrique « Idées reçues » du site d’Eco-Emballages. Preuve que l’entreprise est consciente de la méprise qu’occasionne son logo où deux flèches symbolisent un cycle. Inscrire sur les produits si les différents composants de leur emballage sont recyclables serait « compliqué », selon l’entreprise. Pendant ce temps, les erreurs de tri continuent.


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