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La neige artificielle
jeudi, 29 novembre 2007 / Cire , / Claire Naa

Les stations de ski françaises font appel à une armada de 10 000 canons à neige pour permettre aux touristes de dévaler les pistes toute la saison. Des flocons légers pour la nature ?

Cet hiver encore, une grande quantité de poudre cristallisée va tomber sur les pistes de stations de ski françaises. Ces petits flocons artificiels sont tombés sur nos montagnes pour la première fois, le 26 octobre 1963. Très exactement, sur la station du Champ du Feu, à 40 minutes de Strasbourg (Bas-Rhin). Ce jour-là, au coeur de cette montagne vosgienne dont le sommet culmine à 1 100 mètres, c’est l’effervescence. On vient tout juste d’y hisser six canons à neige. Marcel Adam, gérant des remontées mécaniques du domaine, a même fait venir l’ingénieur, connu outre-Atlantique comme l’inventeur du Snow Maker, « la machine à fabriquer de la neige ». Une invention due au hasard : c’est en projetant de l’eau au-dessus de ses vignes pour créer un brouillard qui les protégerait du froid, que l’Américain s’est rendu compte qu’il obtenait des flocons de neige. Aujourd’hui, les canons sont des machines ultraperfectionnées, rebaptisées « enneigeurs » par les professionnels. Plus de 10 000 sont installés dans 200 des 330 stations que compte la France. Parmi les leaders du marché, on trouve les américains York International, SnowStar et SMI Snow- Maker, l’italien TechnoAlpin ou encore le français Alpsport.

Pulvérisation d’eau et d’air pur

La fabrication de cette neige artificielle, dite « neige de culture », est devenue une industrie. Pour autant, la méthode de production n’a pas changé. Elle consiste à pulvériser un mélange d’eau naturelle et d’air pur dans l’air ambiant, dont la température doit être égale ou inférieure à - 2° C. « Pendant ces quelques secondes de suspension dans l’air, les gouttelettes d’eau se cristallisent et doublent de volume avant de retomber au sol », explique Cécile Coleou, chercheuse au Centre d’étude de la neige de Météo France. Il existe deux types d’enneigeurs, bi-fluide ou mono-fluide. Le bi-fluide, qui comprend un tuyau pour l’eau et un autre pour l’air comprimé, coûte en moyenne 10 000 euros. Son rendement s’échelonne, selon la température, de 8 m3 (- 4° C) à 30 m3 (- 10° C).

Quant au second, plus cher à l’achat (35 000 euros), il peut produire jusqu’à 45 m3 de poudre blanche à l’heure.

Des enneigeurs à la place des arbres

« En 2006, les enneigeurs ont permis de recouvrir 19 % du domaine skiable français soit 4 845 hectares de pistes, indique Serge Riveill, chargé de mission au Syndicat national des téléphériques de France (SNTF). Et pour fabriquer cette quantité de neige, il a fallu 15 millions de m3 d’eau », soit la consommation annuelle d’une ville comme Saint-Étienne (170 000 habitants). Sur ce volume d’eau, 55 % proviennent des réserves d’altitude, 30 % des cours d’eau naturels et 15 % des trop-pleins d’eau potable.

Cette eau prélevée n’est pas consommée mais seulement « empruntée ». « Les trois-quarts sont en effet restitués au milieu sous forme liquide lors de la fonte des neiges, et le quart restant en vapeur d’eau », explique le chargé de mission. En revanche, pour acheminer l’eau, il a fallu se procurer de l’énergie à hauteur de 108 millions de kWh (0,023 % de la consommation nationale en électricité). En effet, il faut bien souvent faire monter l’eau en altitude via des canalisations souterraines.

La neige artificielle affiche en définitive un bilan environnemental acceptable. Seul point noir : l’association de défense de la montagne Mountain Wilderness pointe l’implantation permanente d’enneigeurs, qui « défigure durablement les montagnes » en contribuant à la déforestation.


Des skis en voie de disparition « Dans quinze ans, il y aura une telle pénurie de neige naturelle qu’il ne sera plus possible de pratiquer le ski », avertit Aurélien Dautrey, de l’association Mountain Wilderness. Selon les services de Météo France, il manquera 50 cm de neige cette année sur les pistes. Soit 1 cm de plus qu’en 2006 et 2 cm de plus qu’en 2005. Actuellement, 599 stations des pays alpins en Europe bénéficient d’un enneigement suffisant au moins 100 jours par an. Une hausse de la température de 2° C pourrait ramener le nombre de domaines skiables alpins à 400 seulement, selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques.

- Les prévisions de l’enneigement des montagnes

- L’association nationale des professionnels de la neige de culture (ANPNC)

- La répartition par massif de la neige


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