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La vie c’est fric
jeudi, 6 septembre 2007 / Arnaud Gonzague

Ça a débuté comme ça. Au départ, l’argent était un moyen astucieux de faciliter, de solidifier les échanges marchands entre individus. Et puis, à partir de la fin du Moyen-Âge, il a commencé à devenir une fin, un objectif en soi, pour créer encore plus d’argent. On a progressivement oublié qu’il constituait un moyen de mesure des activités, « comme le centimètre ou le kilo », rappelle un économiste interviewé dans La Double Face de la monnaie.

Aujourd’hui, 98 % des transactions financières quotidiennes sont virtuelles, décorrélées des échanges de biens et de services. L’argent génère l’argent, qui génère l’argent. Avec deux conséquences désastreuses : primo, la concentration accrue de cette monnaie entre les mains de ceux qui en possèdent déjà le plus ; secundo, l’absence criante de monnaie, donc de biens et de services, là où les besoins sont énormes, dans les pays pauvres. A priori, ce documentaire est déprimant.

On y découvre que le système mondial de création de monnaie a échappé aux autorités politiques pour devenir un outil spéculatif aux mains des marchés. Mais voilà : des systèmes monétaires alternatifs existent (Chiemgauer en Bavière, Fair Shares en Grande-Bretagne, SEL en France…) et on a la bonne idée de nous expliquer comment tous fonctionnent. Avec eux, priorité est donnée à l’utilité sociale des activités accomplies et aux liens humains qu’elles créent. Dans le cas anglais, une heure de ménage vaut une heure de cours, qui vaut une heure de réparation de voiture, etc.

Dans le système du Chiemgauer bavarois, le billet perd 2 % de sa valeur à chaque trimestre : une manière d’inciter à le dépenser plutôt que de l’accumuler sans fin. Car les auteurs de ce documentaire épatant de pédagogie ont l’honnêteté de nous prévenir : les monnaies alternatives peuvent aussi verser dans les errements néolibéraux. Ainsi, au moment de la crise économique argentine en 2001, les creditos ont permis aux populations locales de survivre. Mais vite victimes de leur succès, ils sont devenus des instruments de thésaurisation et de spéculation. Les bonnes idées ne changent jamais la nature humaine.

Le blog d’Arnaud Gonzague


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