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Les mobiles se prennent un coup de règle
jeudi, 6 septembre 2007
/ Eve Charrin
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Le tarif des communications téléphoniques entre pays européens est désormais plafonné. Le Parlement de Strasbourg a résisté au lobby des opérateurs, au nom de la défense des consommateurs.
Ouf ! Depuis cet été, le téléphone portable n’est plus un piège en Europe. Jusqu’à présent, les retours de vacances sur la riviera italienne ou dans les manoirs écossais pouvaient réserver de mauvaises surprises. Quelques malheureux appels locaux pour réserver une table à la trattoria du coin se traduisaient par une facture astronomique, quatre fois plus élevée que d’habitude. Pis, l’addition était plombée par les appels reçus ! Une mère inquiète à Périgueux ou même les appels des copains de plage, à deux pas, se chiffraient facilement autour d’un euro la minute. Autant dire qu’Orange, Bouygues Télécom, SFR et leurs homologues européens mettaient ainsi du beurre dans les épinards.
De fait, le roaming, « itinérance » en bon français, leur a rapporté l’an dernier la bagatelle de 8,5 milliards d’euros, soit près de 6 % des recettes totales de la téléphonie mobile dans l’Union européenne. Cette surfacturation a été estimée à plus de 3 milliards d’euros par l’UFC-Que Choisir. Un coup de bambou colossal, à l’échelle d’un continent qui compte pas moins de 37 millions de touristes et 110 millions de voyageurs d’affaires. Du coup, à Bruxelles, Viviane Reding, la commissaire chargée de la Société de l’information, a décidé de mettre de l’ordre.
« Les Européens pourront finalement être soulagés », triomphe cette Luxembourgeoise déterminée, devenue la passionaria des consommateurs et la bête noire des opérateurs. Depuis cet été, nos champions nationaux ont donc fait un effort. Un pass Vacances pour Orange, une option Vodafone Passport chez SFR et une grosse ristourne chez Bouygues permettent de bénéficier de tarifs plus raisonnables. Et pour cause : le 23 mai, à Strasbourg, les eurodéputés ont massivement voté le projet de règlement mis au point par la Commission européenne sous la pression de Viviane Reding. Désormais, le prix du roaming est plafonné. A partir de ce mois de septembre, dernier délai, la facture ne pourra pas excéder 49 centimes d’euros la minute pour les appels émis et 24 centimes pour les appels reçus. Et d’ici à 2009, l’« eurotarif » devrait encore baisser de quelques centimes.
La Commission européenne accusée de populisme ? C’est le monde à l’envers, tant l’institution bruxelloise se voit généralement reprocher d’échapper à tout contrôle démocratique. Viviane Reding, et avec elle, José Manuel Barroso, actuel président de la Commission, ne pouvaient pas se voir décerner meilleur compliment. Dans l’affaire du roaming, l’habituel jeu institutionnel fut bouleversé. Une fois n’est pas coutume, la Commission a pris le parti du citoyen-consommateur contre les puissants lobbies des télécoms. Au départ, Viviane Reding voulait aligner l’itinérance sur les tarifs nationaux. Elle a dû mettre de l’eau dans son vin pour emporter l’accord de ses collègues les plus réticents, comme Günter Verheugen, chargé des Entreprises et de l’Industrie et de surcroît vice-président de la Commission. Ce dernier était « très sensible aux arguments des opérateurs, notamment de T-Mobil, filiale de Deutsche Telekom », glisse un diplomate en poste à Bruxelles.
D’où une ambiance à couteaux tirés entre les deux commissaires. Le plus surprenant, c’est que la Commission a admis les limites de la concurrence et fait prévaloir la régulation par une politique des prix. Voilà une (r)évolution idéologique de taille pour une institution souvent taxée de libéralisme dogmatique. L’exécutif communautaire a ainsi voulu rompre avec sa réputation de forteresse bureaucratique et offrir à l’opinion publique un exemple de réalisation concrète.
Du côté des Verts, on se réjouit sans réserve : « Le Parlement européen a brisé un tabou, se félicite Pierre Jonckheer, vice-président du groupe écolo. L’Union européenne est intervenue pour défendre les droits des consommateurs là où le marché avait failli. » Happy end ? Pas encore. La Commission et les eurodéputés gardent l’oeil sur l’itinérance des textos et autres messages multimédias (MMS), qui échappent à toute régulation. Pour l’instant. —
Sur le site de la Commission européenne (en français)
Le think tank Confrontations Europe propose, dans sa revue de juillet-septembre 2007, un article sur « Itinérance en ITRE » (page 19).
Le site de l’UFC-Que Choisir
(Crédit : Richard Seal) GIF - 34 ko 300 x 192 pixels |