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lundi, 1er mars 2004 / Walter Bouvais /

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La compagnie de réassurance Swiss Re met la pression sur de grandes entreprises pour les inciter à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Wall Street sortira-t-elle la planète bleue des griffes du réchauffement climatique ?

Sur le front du changement climatique, il est de coutume de voir s’agiter les Amis de la Terre ou les activistes de Greenpeace, bardés de slogans et férus d’actions commando, abondamment relayées par les médias. Le style compassé de Christopher Walker, costume-cravate et ordinateur à portée de main, apparaît pour le moins décalé. Son terrain de jeu ? Wall Street, le temple de la finance internationale, à New York. Atmosphère feutrée ou pas, Christopher Walker s’intéresse lui aussi de près à l’évolution du climat. Il est responsable chez le réassureur Swiss Re - une entreprise qui assure les assureurs et de grandes entreprises - d’une équipe de spécialistes, dont quatre climatologues, constituée en 2001.

Yaourts au dioxyde de carbone

Depuis quelques mois, celle-ci met la pression sur de grands groupes internationaux, sur la question des émissions de gaz à effet de serre (GES), tenues pour responsables du réchauffement du climat. Pour produire des yaourts ou des voitures, l’industrie consomme de l’électricité pas forcément « propre » (issue par exemple de centrales thermiques), contribuant au rejet de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. De même, lorsque les pots de yaourt échouent dans un incinérateur, leur combustion génère des émissions de GES. Ce qui est vrai pour la production de yaourts l’est encore plus pour des industries polluantes par nature, comme le pétrole (Exxon, BP, Shell, Total).
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Illustration : Miça

150 milliards de dollars de pertes annuelles

Or, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), les pertes économiques dues aux catastrophes naturelles provoquées par le réchauffement climatique "devraient doubler tous les dix ans. Dans les dix prochaines années, elles atteindront 150 milliards de dollars par an". Au point de "mettre en danger l’équilibre financier des compagnies d’assurance, de réassurance et des banques (...) voire de les conduire à la faillite". Le PNUE a listé une série de menaces envisageables : changements imprévisibles à la tête des gouvernements ; zones de vie ou de travail devenant invivables ; risques accrus pour la santé humaine dans certaines régions ; chute de la valeur de biens immobiliers dans d’autres...

Les poursuites judiciaires, un sport national

Ces sombres oracles inquiètent Swiss Re. Puisque les entreprises sont co-responsables du réchauffement de la planète, le risque existe qu’un jour, des victimes de catastrophes naturelles ou des actionnaires lésés réclament des comptes aux dirigeants d’entreprises, à l’image des procès intentés aux cigarettiers par des victimes du tabac. "C’est particulièrement vrai aux Etats-Unis, où les poursuites judiciaires sont un sport national, souligne Christopher Walker. Les dirigeants de grandes entreprises sont juridiquement responsables de leurs actes. S’ils n’agissent pas dès maintenant pour réduire les émissions de GES de leurs entreprises, ils risquent de se retrouver au tribunal dans quelques années". Et si les dirigeants paient, leurs assurances trinqueront.

Eduquer avant de sanctionner

Swiss Re a donc adressé un questionnaire à plusieurs grandes entreprises. Il s’agit, quand elles existent, de prendre connaissance de leurs actions concrètes de réduction des émissions de GES. Il faudra également mettre en place des systèmes fiables pour vérifier la portée réelle de ces actions. "Pour le moment, nous nous contentons de poser des questions, nous sommes dans une phase d’éducation, un peu à l’image de ce que nous avions fait pour le bug de l’an 2000", minimise Christopher Walker, tout en annonçant l’étape suivante. Les entreprises les moins vertueuses risquent de voir les primes d’assurance grimper en flèche pour la responsabilité civile de leur dirigeants... S’ils trouvent encore une compagnie pour les assurer. Voilà comment, en menaçant de les toucher au portefeuille, les réassureurs comme Swiss Re pourraient provoquer un "sursaut citoyen" des multinationales.

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