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Chef d’accusation
jeudi, 24 mai 2007 / Arnaud Gonzague

Pourquoi l’entreprise moderne puise-t-elle parfois dans les réservoirs de « salopards » quand elle recrute ? C’est bon pour les affaires et seul le résultat compte, analyse l’auteur.

L’exemple fait mal : « Un chef a refusé de passer une communication téléphonique à une caissière : l’école la prévenait pourtant que son fils venait de tomber et que les pompiers le transportaient à l’hôpital. Il se justifiera plus tard : si je l’avais prévenue, elle serait partie et je n’avais personne pour la remplacer. » Un cas parmi des milliers d’autres de saloperie ordinaire au sein d’une entreprise. On a tous croisé un jour la route de ces petits chefs tyranniques, coyottes en col blanc et autres supplétifs sournois. Mauvaise nouvelle : ces individus peu fréquentables seraient de plus en plus prisés par les employeurs. « Il y a de grands avantages à avoir des salauds dans une entreprise. S’ils maltraitent leur entourage, ils bousculent aussi les affaires et exercent un effet d’entraînement », explique l’auteur Claude Lussac.

Encouragements de la crevure

Caricature ? Le polytechnicien explique pourquoi l’organisation moderne encourage les crevures : « On assiste à un curieux phénomène où l’autonomie croissante de l’encadrement s’accompagne d’une paradoxale déresponsabilisation. » En clair, on somme le personnel d’utiliser les méthodes qu’il préfère, mais de remplir coûte que coûte ses objectifs. En cas de contestation, le salaud pourra toujours invoquer des ordres « venus d’en haut ». Car c’est en puisant dans le « mythe de l’intérêt général » qu’un salarié se permet de maltraiter, de diffamer ou de trahir. Une transcendance finalement commode.

Mais paradoxalement, c’est au nom de ce même intérêt que Claude Lussac enjoint les entreprises à clairsemer leurs rangs de pourris. « Des attitudes de salaud utiles à court terme peuvent être anticipées comme négatives à long terme (…) [Les entreprises] qui font de la “ salaud attitude ” un standard de comportement s’affaiblissent sous l’effet d’un turn-over croissant et d’une productivité qui se dégrade. » En somme, trop de salauds tue le salaud. Comme le disait Clémenceau à propos de la politique : « C’est comme l’andouillette : ça doit sentir la merde, mais pas trop ! » Amis poètes, bonsoir.

Le blog d’Arnaud Gonzague


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