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La ruée vers l’autre
jeudi, 26 avril 2007 / Arnaud Gonzague

Un dico d’économie qui remonte le moral, c’est suffisamment rare pour être signalé. Mais celui-ci parle de « l’autre » économie.

Jean-Louis Laville et Antonio David Cattani (dir.), Dictionnaire de l’autre économie, Gallimard, coll. Folio Actuel, 720 p., 11 €

Test : dressez un bilan de l’évolution de l’économie mondiale depuis vingt-cinq ans. Allons-y. Depuis le début des années 1980, on assiste à la déconfiture des modèles étatistes au profit du tout-marché. Au Nord comme au Sud, les privatisations, les dérèglementations, la mise en concurrence sont devenues des impératifs catégoriques. Osons une comparaison : Van Gogh était ignoré de ses contemporains qui n’avaient d’yeux que pour la peinture académique. Le marché officiel de l’art générait d’énormes profits, mais qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Quelques croûtes pour sous-préfectures. Bref, la seule question qui vaille, c’est : quels sont les Van Gogh de l’économie d’aujourd’hui ? Il y a fort à parier que le Dictionnaire de l’autre économie en compte quelques-uns. Des entreprises sociales, du commerce équitable, de l’épargne solidaire… Des contre-modèles.

Marcher sur ses deux jambes

Dans les années 1960 et 1970, on théorisait sur les mille et unes manières de renverser le capitalisme. Depuis les années 1980 et surtout 1990, on n’argumente plus : on refuse net ce que l’économie est devenue et on fait autre chose. Qui restera dans l’Histoire ? Les grands ébahis qui applaudissent aux prouesses d’une « mondialisation heureuse » ? Les fronceurs de sourcils, chagrinés que les peuples ne fassent preuve d’aucun « réalisme face aux adaptations nécessaires dictées par la concurrence internationale » ? Ou bien les penseurs comme Amartya Sen (prix Nobel d’économie 1998), qui titre ainsi un de ses livres, L’économie est une science morale ? Car le Dictionnaire de l’autre économie se tue à rappeler l’évidence développée par Sen : l’économie marche sur deux jambes. La première est l’« ingénierie », (l’aspect technique des échanges), la seconde est l’éthique, qui pose cette question : « qu’est-ce qui est souhaitable socialement ? » Une économie qui ne s’interroge plus claudique donc, comme un unijambiste. Dans son article sur « l’Ethique économique », Jean-Paul Maréchal ne dit pas autre chose : « La thèse selon laquelle l’analyse économique pourrait se passer de toute réflexion sur la question du bien (ou du juste) ne serait recevable que si les être humains étaient altruistes (…) ou si la quantité de biens disponibles était infinie. » On n’a donc pas fini d’en parler.

Le blog d’Arnaud Gonzague


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