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Clichés d’usines
jeudi, 12 avril 2007
/ Arnaud Gonzague
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Pourquoi aller photographier des ouvriers dans des sites français en passe d’être délocalisés ? That is the question…
Muriel Grémillet et Gille Favier, Merci Patron. Conflits sociaux en 2006, Au Diable Vauvert, 192 pages, 29 €
La question ici est : pourquoi un photographe décide un jour de poser son appareil dans une usine ? Et pourquoi dans une usine frappée par un plan social ? Cette question traverse tout l’ouvrage Merci Patron, consacré aux ouvriers de plusieurs sites industriels français – Dim, Duralex, Descamps, Seb… – tristement célèbres pour avoir transféré leur activité en Chine. En sous-titre, il est question de Conflits sociaux en 2006. Certes. Mais sincèrement, on serait bien infichus de trouver une réponse au pourquoi de cet ouvrage une fois qu’il est clos. Imaginons-la, alors. Cela pourrait être : pour garder la mémoire de spécimens en voie de disparition dans nos contrées. Témoigner de ce que l’écrivaine Aurélie Fillippetti nomme « les derniers jours de la classe ouvrière ». Entendu. Mais dans ce cas, Merci Patron s’aventurerait aussi à montrer des ouvriers dont les sites sont toujours en activité. Là, non. La fermeture est actée presque partout. Et elle rôde salement chez Duralex.
S’agirait-il, donc, de montrer des victimes d’une mondialisation « ultralibérale » ? Peut-être. Des trognes ravagées, édentées, traversent aussi Merci Patron, au point de se demander parfois si le livre n’est pas un reportage sur les SDF. Mais ces trognes ne « cadrent » pas avec celles des ouvriers des autres pages. Pas plus qu’elles n’ont de rapport avec celles des jeunes filles, résidentes à vie des corons et autres HLM. Certains posent, d’autres semblent attrapés sur le vif. Rien n’a de cohérence dans Merci Patron. Et cette juxtaposition a quelque chose de déplaisant.
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