https://www.terraeco.net/spip.php?article310
Une violence contre une autre
jeudi, 29 avril 2004 / Zoé TILLEUL /

Lyonnaiserie déterminée à prendre les voies buisonnières et collectives du journalisme, à ses heures perdues surfant un peu sur les ondes et les fréquences libres du Web.

Deux sociologues reviennent sur les causes d’une émeute urbaine à Montbéliard et font le portrait d’une génération brisée par le chômage de masse.

Michel Palioux, Stéphane Beaud. Vilences urbaines, violence sociale. 425 pages. Fayard, 2003. 22 €

Le 12 juillet 2000, une émeute urbaine éclate dans la Zup de la Petite Hollande, à Montbéliard (Doubs). Des CRS sont blessés, des voitures brûlées, des bâtiments incendiés, majoritairement par des jeunes issus de l’immigration. Stéphane Beaud et Michel Pialoux s’emparent de cet exemple-type de "violence urbaine" pour amener le lecteur dans l’"univers mental" des jeunes de la cité. Grâce à leur présence sur ce terrain ouvrier depuis quinze ans, les deux sociologues sont convaincus que les causes de cette émeute se situent dans les "conditions matérielles d’existence" du quartier, logement, scolarité, et surtout travail.

Le CDI inaccessible

Par une série de portraits, les deux auteurs donnent à entendre la souffrance de ces jeunes, stigmatisés par leur échec scolaire, qui se retrouvent "inutiles au monde", "inemployables" dans un contexte de crise économique. Violences urbaines, violence sociale dresse un constat alarmant de la situation économique des quartiers touchés par le chômage de masse. Alors que tous les espoirs d’embauche sont tournés vers l’usine Peugeot et ses équipementiers, le CDI est un rêve inaccessible pour cette génération d’immigrés nés après 1970. Ainsi Selim, ancien animateur social du quartier, qui a jeté l’éponge et travaille à la chaîne depuis dix ans sans parvenir à sortir de l’intérim. Ainsi Nadia, licenciée à 43 ans, qui voit ses filles, pourtant bachelières, obligée de travailler au Mc Do ou à l’usine pour gagner un semblant d’indépendance.

Racisme toujours

Pour les auteurs, cette "fermeture de l’avenir" conjuguée à la lente décomposition de la classe ouvrière française a fait naître une "nouvelle classe dangereuse", incapable de se reconnaître dans des syndicats laminés, une génération qui "ne peut plus parler" socialement et souffre d’un racisme persistant. La démarche sociologique du livre prend à rebours l’esprit sécuritaire ambiant. Michel Pialoux et Stéphane Beaud démontrent sans fard que les violences urbaines sont une conséquence, voire une réponse, à une forme aiguë de violence sociale exercée sur cette génération depuis plus de quinze ans.

A lire, des mêmes auteurs :
Retour sur la condition ouvrière, Fayard, 1999. Enquête sur les usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard. Parole est donnée à la souffrance ouvrière d’aujourd’hui, alors que cette classe est devenu comme invisible dans l’espace public.

80% au bac et après ?, La Découverte, 2002. Quel est le destin de ces enfants d’ouvriers poussés jusqu’au baccalauréat ? Beaucoup d’entre eux ont dû retourner travailler à l’usine, ou sont restés sans emploi, entraînant une désillusion sociale très importante dans cette génération.


AUTRES IMAGES

JPEG - 21.2 ko
196 x 300 pixels