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La démagogie, "subie" ou "choisie" ?
jeudi, 29 mars 2007 / Arnaud Gonzague

Simplifier la question de l’immigration est aussi vain que d’essayer de faire entrer une pièce montée dans un paquet de Petits beurres. Un livre passionnant remet les pendules à l’heure.

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François Héran, {Le temps des immigrés, essai sur le destin des populations étrangères}, Seuil, coll. La République des Idées, 112 p., 10.50 €

En matière d’immigration, la France souffre de simplification. Un symptôme ? La loi du 24 juillet 2006. Sur le papier, son objectif est limpide : il faut promouvoir l’immigration « choisie », celle des gens diplômés dont a besoin notre pays. Choisie comment ? En fonction des besoins de l’économie à un instant, pardi ! On a un besoin subit d’informaticiens ? Disons 25 000. Sortez du chapeau 25 000 bidouilleurs camerounais, marocains et malgaches ! Il y a soudain trop d’informaticiens en France ? Au revoir les 25 000 Camerounais, Marocains et Malgaches. Et ça marche aussi pour les boulangers, les serruriers, les infirmiers… Quant aux autres, qu’ils restent chez eux ! Usines à gaz coûteuses et inefficaces

D’ailleurs, arguent les défenseurs du projet, des pays plus pragmatiques que le nôtre s’y sont déjà mis. Canada, Suisse, Espagne, Italie ont des quotas stricts de flux d’entrée. Tant d’ouvriers, tant de chercheurs, etc. Les douaniers n’examinent pas les dents des nouveaux entrants, mais c’est tout comme. Alors pourquoi ne pas faire pareil ? François Héran, directeur de l’Institut national d’études démographiques (Ined), s’est penché sur la question. Il explique, chiffres à l’appui, comment en Espagne et en Italie, les administrations chargées de sélectionner les entrants étaient de telles usines à gaz, inefficaces et coûteuses, que les deux pays y ont renoncé pour… une régularisation massive. Au Canada, la proportion d’immigration « subie » (regroupement familial, asile politique…) a toujours dépassé l’immigration choisie. Et 40 % des migrants « choisis » québécois occupent des fonctions inférieures à celles promises par leurs diplômes. En Suisse, l’idée d’immigration choisie remonte aux années 1970 mais, en trente ans, « le résultat obtenu est contraire au résultat recherché ».

Pourquoi ces échecs ? Parce qu’aucun de ces pays ne peut faire l’impasse sur le minimum : droit d’asile et droit au regroupement familial, notamment. Et ça tombe bien, conclut François Héran, nos démocraties vieillissantes et nos économies ont un besoin criant d’enfants. « L’immigration deviendra en tout état de cause le principal, voire l’unique facteur de croissance de la population française », affirme le démographe. Etre pour ou contre l’immigration « est aussi vain que de se demander si nous sommes pour ou contre le vieillissement ».

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François Héran, {Le temps des immigrés, essai sur le destin des populations étrangères}, Seuil, coll. La République des Idées, 112 p., 10.50 €
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