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Nababs en cavale
jeudi, 9 novembre 2006 / Toad , / Linda Bendali

La Belgique et la Suisse déploient des trésors d’allégements fiscaux pour accueillir les contribuables soumis à l’impôt sur la fortune.

Johnny Hallyday l’a promis, juré : s’il demande la nationalité belge, c’est seulement pour "retrouver ses racines" paternelles... N’allez donc pas imaginer que le chanteur le mieux payé de France (6,6 millions d’euros en 2005), Jean-Philippe Smet de son vrai nom, lorgne le régime fiscal allégé réservé outre-Quiévrain aux gros portefeuilles : pas d’impôt sur la fortune, sur la plus-value ou les successions. Une douceur fiscale qui fait de la Belgique le refuge préféré des riches Français expatriés.

Sur les 350 contribuables assujettis à l’ISF qui fuient chaque année l’Hexagone, 18 % prennent un aller simple pour Bruxelles. Leur profil  : des chefs d’entreprise au patrimoine avoisinant les 3,6 millions d’euros en moyenne. Si ces patrons chérissent la Belgique, les rentiers riches comme Crésus lui préfèrent la Suisse : 16 % des contribuables exilés soumis à l’ISF. "Ce sont en général des patrimoines supérieurs à 10 millions d’euros attirés par la culture helvète du secret bancaire", signale Vincent Drezet du Syndicat national unifié des impôts (Snui).

Autre coutume typiquement suisse : le forfait fiscal réservé aux ressortissants étrangers n’exerçant aucune activité lucrative sur le territoire. Le principe : avant son arrivée, le nabab négocie avec les autorités locales le montant total de son impôt. Une somme qui ne prend en compte ni ses revenus ni son patrimoine et qui, en théorie, s’élève au minimum à cinq fois son loyer annuel. Sauf que la concurrence fiscale entre les cantons pour attirer le rupin est telle que ces tarifs sont généralement tirés vers le bas. "Cette pratique est très opaque, note Vincent Drezet. Nous n’avons jamais réussi à connaître les détails de ces négociations."

Enfin, derniers asiles pour privilégiés : les Etats-Unis (12 % des expatriés assujettis à l’ISF) et le Royaume-Uni (11 %). Ce sont généralement de jeunes cadres et patrons, davantage alléchés par une opportunité professionnelle que par la carotte fiscale.

Au total, seuls 0,08 % des contribuables assujettis à l’ISF prennent chaque année la poudre d’escampette. Mais comme l’observe l’économiste Eric Pichet, auteur de ISF, Théorie et pratiques (Editions du Siècle) : "Ces chiffres ne prennent pas en compte les chefs d’entreprise, dont le bien professionnel est exonéré d’ISF et qui, à l’heure de la retraite, partent à l’étranger pour vendre leur boîte et échapper à l’impôt sur la plus-value puis à celui sur la fortune." Un exode difficile à évaluer mais qui, grâce aux bons soins du gouvernement, tend à se résorber. "Avec les nouvelles mesures qui allègent les taxes sur la plus-value et instaurent un bouclier fiscal, j’enregistre quatre fois moins de départs qu’il y a trois ans, témoigne Bernard Monassier, notaire. Néanmoins, beaucoup continuent encore de s’exiler pour fuir l’ISF."

Un argument idéal pour une frange de l’UMP qui milite pour la suppression de cet impôt, rebaptisé "Incitation à sortir de France". "Le problème, regrette Vincent Drezet, c’est que sous prétexte de retenir ces patrimoines, on en vient, au nom de la concurrence fiscale, à niveler notre système par le bas au détriment de son équité. Ainsi, ces dernières années, en Europe, on a petit à petit baissé les impôts sur les sociétés et les revenus en compensant par une hausse de taxes injustes, comme la TVA." Une seule solution contre ce dumping : l’harmonisation des fiscalités européennes.

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