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Pourquoi le Bio se traîne
jeudi, 22 juin 2006 / Simon Barthélémy , / Roxane Arleo

Jadis première de la classe, l’agriculture biologique française traîne aujourd’hui en queue de peloton européen. Et ce, malgré un réel engouement des consommateurs. Explications.

"J’ai converti mes terres et reconverti le bonhomme." Franck Halleur, 36 ans, est heureux de sa nouvelle vie. Après une formation professionnelle en agriculture biologique, il s’est lancé dans le maraîchage à Egreville, en Seine-et-Marne. Sans vouloir toucher d’aide à l’installation : "C’est plus difficile pour démarrer. Mais les aides, ça corrompt tout, je veux prouver qu’on peut s’en passer." Atypique dans un milieu en plein blues, Franck espère tirer 1 000 euros par mois de ses deux hectares, grâce à des ventes dans deux associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (Amap) à Paris (lire encadré). "En moyenne, mes prix sont les mêmes que ceux d’Intermarché, sauf que je suis en relation directe avec les consommateurs. Ils peuvent participer à la récolte, la transparence est totale." Le profil de Franck est très couru en Ile-de-France : 500 personnes inscrites dans des Amap recherchent des maraîchers bio. Aussi, la Région a voté en novembre une aide au maintien des agriculteurs bio. Si Franck acceptait un coup de pouce, il toucherait 1 800 euros par mois. Le vice-président de région, Michel Vampouille, en explique les objectifs : "Nous voulons freiner la disparition de l’arboriculture et du maraîchage, dont les terres sont rachetées par des céréaliers. Nous souhaitons par ailleurs lutter contre la dégradation des nappes phréatiques, polluées entre autres par les activités agricoles. Cette aide compense une partie des surcoûts générés par les pratiques agro-environnementales bio".

Petit Poucet

En clair : un paysan qui n’utilise ni engrais chimique ni pesticide voit ses rendements baisser de 20 à 50 % selon les cultures.Et sa charge de travail augmenter sensiblement. La Fédération nationale des agriculteurs bio (Fnab) réclame donc 20 à 30% de primes supplémentaires en reconnaissance des bienfaits de ces pratiques pour l’environnement et l’emploi. La Politique agricole commune (PAC) le permet, mais ce n’est pas d’actualité à l’échelle nationale.

"La France est, avec le Luxembourg, le seul pays européen à ne pas aider les exploitants bio à maintenir leur activité. Les aides concernent uniquement la reconversion des terres agricoles conventionnelles", indique Patrick Guillerme, éleveur laitier et responsable de la commission bio à la Confédération paysanne.

Et si ces subventions ont permis de multiplier le nombre d’exploitations par trois en dix ans, elles sont en baisse depuis 2002. Résultat : environ 2 % des exploitations et 2 % de la surface agricole utile (SAU) sont certifiés bio, ce qui place l’Hexagone avant-dernier de l’ex-Europe des Quinze, loin de l’Autriche (11,3 % de la SAU), de l’Italie (trois fois plus de surface que la France) et des pays qui financent le maintien des agriculteurs bio.

La France au frein à main

L’Agence bio, qui assure la promotion du secteur en France, veut toutefois positiver et souligne une augmentation de 5 % de la SAU cultivée en bio l’an dernier : "Fin 2005, il y avait 11 402 exploitations, soit 3 % de plus qu’en 2004. Le secteur, jeune, prend son envol." Il faut dire que le marché est en forte croissance : près d’un Français sur deux achète régulièrement du bio, essentiellement afin de protéger l’environnement, selon les études, et est disposé à en payer le prix.

Las... Premier pays agricole d’Europe, la France importe près de 60 % des produits bio qu’elle consomme ! Si l’on en croit la FNSEA, premier syndicat chez les agriculteurs, la réglementation française est trop sourcilleuse à l’égard du cahier des charges européen. Les producteurs étrangers, qui prennent moins l’agriculture biologique au pied de la lettre, sont plus concurrentiels et entraînent les prix à la baisse, ce qui décourage nos troupes. Ainsi, avec 560 838 hectares en bio, on est loin de l’objectif de 1 million fixé il y a dix ans. "Il a fallu attendre longtemps pour bénéficier d’appuis, souligne Vincent Perrot, directeur de la Fnab. Mais certains veulent que la niche bio reste à l’état de niche : malgré la création récente d’un crédit d’impôt, la prime de reconnaissance, souhaitée par le ministère de l’Ecologie actuel ne figure pas dans le projet de loi d’orientation agricole." Le débat devrait rebondir en 2007 lorsque la nouvelle PAC - plus favorable au bio - sera à l’agenda du Parlement.

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