https://www.terraeco.net/spip.php?article2403
Le capitalisme vaincu par chaos
jeudi, 22 juin 2006 / Arnaud Gonzague

Il y a quelque chose de pourri au royaume du capital. C’est ce que s’acharne à démontrer Soleil capitaliste, une suite de témoignages de cadres sup’. 100 % militant.

Le procédé sera familier à ceux qui ont vu Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés (Lire l’article : Je suis venu vous dire que je souffre). Mais là où le documentaire recueillait la parole d’employés contant l’inhumanité de l’entreprise moderne, l’auteure de Soleil capitaliste a presque uniquement tendu le micro à des anciens de HEC, quadras ou quinquas. Isabelle Pivert - par ailleurs éditrice de l’ouvrage - n’est pas détachée de la question. Ancienne de HEC, elle a passé plusieurs années dans des cabinets anglo-saxons à conseiller les multinationales. Ecœurée par les évolutions qu’elle y a constatées, elle s’est recyclée dans l’édition militante et se revendique de l’anarchisme.

Mais le passé de cette intervieweuse revêt au moins un intérêt : il lui permet de parler le même sabir corporate que ses interlocuteurs (anonymes le plus souvent), des cadres supérieurs exerçant ou ayant exercé au sein de multinationales. On pressent bien le dessein de cette questionneuse pugnace, qui fait dérouler les CV de ses interviewés : leur faire admettre que le capitalisme marche sur la tête et qu’il broie tout sur son passage avant de se précipiter vers l’abîme. Malgré cela, Isabelle Pivert a l’honnêteté de rendre compte de leur point de vue, forcément moins radical que le sien. Et pour cause : elle a tenu à nous faire partager les pensées de ceux qui « ont vu l’ours », qui fraient dans les hautes sphères du capitalisme financier, mais, par là même, elle donne la parole à des interlocuteurs nuancés, qui refusent les slogans à l’emporte-pièce.

Confortable caricature

Certes, un syndicaliste d’IBM nous apprend la brutalité du management maison, une analyste financière nous raconte le court-termisme d’actionnaires de moins en moins clairvoyants, une cadre sup’ explique l’inhumanité de son licenciement d’une multinationale américaine... De ces récits complexes, se dégage un parfum de désabusement, de malaise parfois, en tout cas d’interrogation. Mais jamais on ne ressent que l’apocalypse est aux portes de l’Occident, comme le pense l’auteure. Du coup, son dernier chapitre : véhément appel à la résistance, comparant le capitalisme aux totalitarismes du XXe siècle, paraît autant saugrenu : car il clôt dans le sang et les larmes un ouvrage... globalement mesuré dans ses propos.

Isabelle Pivert, Soleil capitaliste, Entretiens au cœur des multinationales, Editions du Sextant, 320 p., 16,90 €.


AUTRES IMAGES

JPEG - 28.3 ko
200 x 304 pixels